Saype, auteur de fresques gigantesques, expose des photos vues du ciel, des croquis et des peintures à Paris

Sur l’herbe des montagnes ou des parcs urbains, sur le sable des plages et des déserts, sur la neige, les pierres et même sur les décombres du tremblement de terre (à Antioche, en Turquie), Saype peint. Ses fresques monumentales en noir et blanc, réalisées en extérieur avec de la peinture biodégradable et couvrant souvent plusieurs milliers de mètres carrés, peuvent être appréciées depuis le ciel.

Vous les avez sans doute déjà croisés, en photos ou en vidéos. Ses sujets de prédilection : les enfants, la transmission et, plus récemment, deux mains entrelacées comme un trait d’union. Porteur d’un message humaniste et écologique, il espère « impacter les mentalités sans impacter la nature ». Sa première exposition parisienne est visible jusqu’au 15 juin 2024.

De la Suisse au Kenya, de la Turquie au Brésil, et du pied de la Tour Eiffel au pied du Mont Blanc, Saype, de son vrai nom Guillaume Legros, 35 ans, parcourt la planète et laisse son empreinte. Cette ancienne infirmière née à Belfort, qui pratique le graffiti depuis l’adolescence, est aujourd’hui l’un des artistes de land art les plus connus au monde.

Ses œuvres gigantesques créées in situ, au cœur des paysages, sont aussi impressionnantes qu’éphémères. Pour les suivre, il les immortalise vus du ciel, avec un drone. Ces photos sont au centre de l’exposition parisienne de Saype, à la galerie Magda Danysz.

Sa peinture éco-responsable très particulière, qu’il pulvérise dans un geste presque chorégraphique, a mis trois ans à développer Saype. Mélange d’eau, de craie, de charbon de bois et de caséine (protéine du lait), il ne nuit pas à la nature. Mais cela ne dure pas éternellement.

Ses fresques disparaissent ainsi, en quinze jours à deux mois tout au plus, sous l’effet de la repousse des végétaux, des tempêtes, de la fonte des neiges, ou encore du vent et des vagues qui balayent le sable. Une manière de questionner l’impermanence des choses, à l’image des minutieux mandalas tibétains éphémères qu’évoque souvent l’artiste.

L'artiste SAYPE pulvérise sa peinture biodégradable sur les hauteurs de la station alpine de Courmayeur (Italie).  (LESABE - AVEC LA COURTOISIE DE LA GALERIE DANYSZ)

Ses projets prennent généralement une bonne semaine à réaliser mais des mois de préparation, et souvent des années de négociation (trouver le bon site, négocier avec les autorités, etc.).

Une de ses dernières réalisations, La grande vague, représente un enfant soulevant une feuille de plastique dans les immenses serres agricoles de la région d’Almeria, en Espagne. Elle lui a demandé un an de travail.

Mais comment finance-t-il ces projets titanesques ? « Certaines sont financées, partiellement ou en totalité, par des mécènes, sponsors ou partenaires, comme c’est le cas pour La grande vague. D’autres sont des projets commandés, notamment aux municipalités. Les autres sont exécutés à son initiative »nous raconte Stéphane Guerreiro de la galerie Magda Danysz.

C’est notamment le cas de l’ambitieux projet mondial Au-delà des murs, entièrement autofinancé, qu’il a lancé il y a cinq ans. En reproduisant partout le même motif, deux mains entrelacées qui forment un lien, il entend constituer « la plus grande chaîne humaine au monde ».

Le Champ de Mars à Paris, point de départ du projet

« Ce symbole d’entraide et de bonne volonté entre les peuples », devenue sa marque, Saype l’a lancé sur le Champ de Mars à Paris en 2019. Depuis, il l’a déjà utilisé dans 19 endroits à travers le monde, de Venise à Ouagadougou, en passant par la Turquie, le Brésil et le Japon. Prochaine étape : l’Egypte, près des pyramides.

Les photos de ses créations à grande échelle, prises avec un drone, et dont une dizaine d’exemplaires peuvent être admirées à la galerie Magda Danysz, permettent de conserver une trace, une mémoire, de ses installations éphémères, « avec trois à six clichés maximum pris à différents moments de la journée pour avoir des points de vue très différents », explique Stéphane Guerreiro. Même si Saype ne prétend pas être photographe, ce sont des œuvres à part entière.

D’autant qu’ils associent, sous cadre, ces tirages grand format uniques avec des objets qui ont participé à l’aventure de l’œuvre monumentale. sur placetels que des croquis préparatoires, des échelles de gris ou des piquets de limite.

Une photo du travail in situ de Saype

Sont également exposés les anamorphoses, ces dessins déformés qui servent de base – une technique qui permet, lorsque le drone prend sa photo à une certaine altitude en perspective avec le paysage, de créer l’illusion que le motif est proportionné, comme il le fait. était réel.

Parmi la trentaine d’œuvres exposées au total à la galerie, on retrouve également d’étonnantes toiles peintes à l’acrylique qui démontrent une remarquable maîtrise technique de la part de ce « autodidacte, mais très travailleur », comme il se décrit avec humour. Ils représentent des paysages ultra réalistes vus à travers une vitre brumeuse sur lesquels une trace, comme faite avec le doigt, a été laissée. Nommé d’après un jour et une heure spécifiques (par exemple 1euh novembre 2023, 10h41), ces peintures témoignent une nouvelle fois de son obsession de préserver la mémoire d’un instant éphémère.

Croquis préparatoires aux travaux

Dernier type d’œuvres à découvrir dans cette exposition : celles qu’il appelle « pixels ». En posant au sol des petits carrés de papier, mesurant 30 à 50 cm de côté, avant de peindre sur le site de ses installations monumentales, il crée des fragments durables de l’œuvre éphémère, qu’il retire une fois l’œuvre terminée.

« C’est une autre façon pour lui de partager ce qui s’est passé. », souligne Stéphane Guerreiro. « Car ce carré de papier a vécu pendant plusieurs jours la même chose que l’artiste dans son interaction avec la nature. Il y avait du vent, il y avait de la rosée, peut-être un peu de pluie, des insectes sont passés, des mauvaises herbes se sont installées. Une poésie du moment et de l’émerveillement dont le succès ne cesse de croître.

« Saype Solo Show » jusqu’au 15 juin 2024, Galerie Magda Danysz, 78 rue Amelot 75011 Paris.
ENTRÉE LIBRE. Toutes les œuvres exposées sont à vendre (de 2 500 à 15 000 euros)