serait-il vraiment possible de rendre l’A14 gratuite ?

Alors que l’autoroute A13 ne rouvrira que le 11 mai, uniquement dans le sens Province-Paris et pour les véhicules légers, certains élus, Valérie Pécresse en tête, ont réclamé des itinéraires alternatifs gratuits.

La lutte continue pour les automobilistes franciliens. Fermée depuis le 19 avril, l’autoroute A13 entre Vaucresson (Hauts-de-Seine) et Paris rouvrira finalement le 11 mai, uniquement dans le sens Province-Paris et pour les véhicules légers, a indiqué le préfet des Hauts-de-Seine. de Seine lundi. De quoi peut-être remettre sur la table la question de la gratuité temporaire des itinéraires alternatifs, dont l’A14, réclamée par certains élus depuis la fermeture.

A l’image de la présidente (LR) de la région Île-de-France Valérie Pécresse qui, dès dimanche 21 avril, demandait « à l’Etat de prendre en charge la gratuité de l’A14 pour garantir l’accès de tous à Paris pendant les travaux ». Ou encore le député (Renaissance) des Yvelines Karl Olive, le maire (divers droite) de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) Éric Berdoati, ou encore le président centriste de la région Normandie Hervé Morin.

Le ministre des Transports a toutefois douché les espoirs des automobilistes, lundi matin. Au micro de RMC, Patrice Vergriete a enterré cette proposition. “On a regardé, et ce serait peut-être encore pire que la maladie, car on saturerait le tunnel de La Défense”, s’est-il justifié. Après la fermeture du tronçon de l’A13, le député Karl Olive a également déploré “fin de l’interdiction de territoire” sociétés concessionnaires d’autoroutes concernant sa demande d’utilisation gratuite de l’A14, ainsi que du Duplex de l’A86, ce tunnel long de 10 kilomètres qui relie Rueil-Malmaison à Vélizy via Vaucresson.

Modifier les contrats de concession ?

Car, si la portion fermée de l’A13 est gérée par l’État français, représenté par la Direction des routes d’Île-de-France (Dirif), il n’en est pas de même pour l’A14 ni pour le Duplex A86. Le premier est exploité par la SAPN (Société des autoroutes Paris-Normandie), filiale du groupe Sanef. Pour le second, il s’agit de Cofiroute, filiale de Vinci Autoroutes. Contactée, Sanef indique qu’elle “ne commentera pas le sujet”. Vinci Autoroutes n’a pas répondu à nos demandes.

Pour les experts interrogés par Le Figarola marge de manœuvre dont dispose l’État pour tordre le bras aux concessionnaires, et les contraindre à libérer temporairement des itinéraires alternatifs, est de toute façon limitée. « En aucun cas il n’y a un article dans les contrats de concession qui dit : il faut autoriser le libre accès s’il y a une faille »rappelle Jean-François Calmette, maître de conférences à l’université de Perpignan et auteur de l’ouvrage Les autoroutes, une affaire d’État (éditions LGDJ, 2021).

DONC « cela nécessite une modification du contrat de concession, modification qui peut intervenir de deux manières, estime Laurent Richer, professeur de droit public et ancien avocat. Soit les deux parties sont d’accord et un avenant est conclu, qui prévoit par exemple que le concessionnaire accepte des prix libres ou réduits pour une période donnée. Mais la particularité des concessions est que les contrats et avenants doivent être approuvés par décret pris en Conseil d’Etat. Et cela peut prendre un peu de temps. Deuxième solution, avancée par ce spécialiste des marchés publics : une modification unilatérale du contrat par l’Etat. “Mais dans ce cas, l’Etat a l’obligation d’indemniser le concessionnaire”, précise Laurent Richer. Ce que semble proposer Valérie Pécresse. “Mais cela ne peut pas arriver du jour au lendemain”souligne le professeur de droit public.

Spécialiste du droit des concessions, Jean-Baptiste Vila estime que l’État n’aurait pas forcément besoin de toucher aux contrats de concession. Mais cela ne se ferait pas sans compensation. « Soit l’entreprise négocierait une indemnisation avec l’État. Et si l’État prenait une décision unilatérale exigeant la gratuité de l’A14, l’entreprise saisirait le juge administratif et obtiendrait nécessairement une indemnisation., développe l’enseignant en droit public à l’Université de Bordeaux et à l’Université de Polynésie française (UPF). Une compensation qui pourrait prendre la forme d’une compensation directe de l’Etat, ou qui pourrait retomber sur les usagers de l’A14, via une hausse des tarifs l’année prochaine.

L’Autorité de régulation des transports (ART) fait sensiblement la même analyse : “Il n’est pas possible, contractuellement, d’obliger le concessionnaire à réduire ou à supprimer le péage sur l’A14, même temporairement, à moins de compenser le manque à gagner.” Dans tous les cas, “L’Etat doit agir vite” pour que les automobilistes puissent en bénéficier, insiste Jean-Baptiste Vila. Cependant, légalement et techniquement, une gratuité temporaire pourrait être appliquée “dans l’heure”il dit.

Geste commercial

Quoi qu’il en soit, le débat dépasse le simple cadre juridique. « On pourrait imaginer que les concessionnaires, en dehors de la loi, décident de suspendre la perception des péages, dans un geste purement commercial », imagine Laurent Richer. Si cela pouvait faire du bien à l’image de ces entreprises, critiquées depuis des années pour les tarifs des péages, « cela pourrait être difficile à accepter du point de vue du droit des sociétés, car cela équivaudrait à un acte gratuit de gestion »souligne Laurent Richer. “C’est leur intérêt de faire un effort, de faire un geste, même si ce n’est pas totalement gratuit”, estime l’économiste des transports Marc Ivaldi. Dans le passé, ils ont prouvé qu’ils en étaient capables, par exemple en proposant des réductions sur les péages, sous certaines conditions. Dernier exemple, à l’été 2023, après un appel en ce sens du ministre des Transports de l’époque, Clément Beaune. Jean-Baptiste Vila, à l’inverse, juge un geste commercial “Utopique”.

Un tel geste serait d’autant plus apprécié que l’autoroute A14, solution de repli pour les automobilistes, est l’un des axes les plus chers de France. Les particuliers doivent en effet débourser jusqu’à 10,60 euros pour parcourir les vingt kilomètres de ce tronçon. Pour l’A86 Duplex, le tarif dépend de l’heure et du jour. Par exemple, cela coûte jusqu’à 14,50 euros le vendredi et veille de jours fériés de 17h à 19h. « Les alternatives sont trop chères ! », témoigne Pauline, 34 ans, qui a dû débourser 11,20 euros pour revenir du week-end via l’A86. Sans compter les embouteillages importants observés sur les routes de contournement.

Elise

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