Les Européens ne peuvent pas dire qu’ils n’étaient pas conscients du problème. En 2006, 2009 et 2014, Moscou avait déjà interrompu ponctuellement ses livraisons de gaz, en raison de différends avec le gouvernement ukrainien. UN « réalisation brutale »» avait déclaré la Commission en 2014. Elle préparait alors une stratégie pour la sécurité énergétique, qui ne servait visiblement à rien.
Les Vingt-Sept ont continué d’importer ce gaz russe, si abondant et si bon marché, qui a longtemps renforcé la compétitivité de l’industrie allemande. Il a fallu que la Russie envahisse l’Ukraine le 24 février 2022, puis coupe les robinets des gazoducs Nord Stream et Yamal pour que les choses changent. Emmanuel Hache, économiste à l’Institut des relations internationales et stratégiques, dénonce la ” la faillite ” de l’énergie en Europe.
Les Européens ont payé cher ce manque d’anticipation. Politiquement d’abord : si, pour le charbon et le pétrole, ils ont eux-mêmes décidé d’un embargo sur les livraisons russes, pour le gaz, ils se sont privés d’un instrument de sanction contre Moscou. Économiquement, avant tout. Les factures d’énergie des ménages et des entreprises ont soudainement atteint des niveaux stratosphériques. Les États ont ouvert en urgence leur portefeuille pour les aider à traverser cette période difficile qui a affecté leurs finances publiques.
De Paris à Berlin, en passant par La Haye ou Rome, les gouvernements avaient surtout très peur de devoir rationner leurs économies à l’hiver 2022-2023. D’autant qu’une bonne partie du parc nucléaire français était à l’arrêt, immobilisé par des problèmes de corrosion sur certains réacteurs. Berlin et Varsovie ont décidé de remettre en service d’urgence les mines de charbon, mais cela n’a pas suffi.
Les citoyens pourront-ils se chauffer ? Les usines pourraient-elles fonctionner correctement ? À l’été 2022, l’Allemagne, qui craignait plus que tout les ruptures d’approvisionnement, a rassemblé tout ce qu’elle a pu trouver sur les marchés, faisant encore flamber les prix chez ses partenaires européens.
A Bruxelles, les conseils des ministres de l’énergie se sont succédé pour tenter d’éviter le pire. Finalement, après des nuits de négociations, les Vingt-Sept se sont mis d’accord sur un plan de réponse qui, deux ans plus tard, a porté ses fruits. Réduction de la consommation de gaz, diversification massive des approvisionnements, achats groupés de gaz, remplissage des réserves de stockage, levée des contraintes réglementaires pour faciliter l’essor des énergies renouvelables : aucun angle d’attaque n’a été négligé. Quelle est la situation aujourd’hui ? Cinq observations majeures ressortent.
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