Le réalisateur danois revient avec un film carcéral puissant qui explore la vengeance, le pardon et la rédemption. « Sons » est un voyage étouffant, un film physique.
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D’abord la gentillesse, l’humanité. Eva, interprétée par Sidse Babett Knudsen, toute en intériorité, a un comportement presque maternel avec les prisonniers. Gardienne de prison, elle veille au bien-être des personnes dont elle a la charge. Comme s’ils étaient ses propres enfants. Elle se transforme alors en boule de violence, froide de détermination. Elle demande à ses supérieurs un transfert dans l’unité la plus violente de la prison. Pour quoi ? Elle reconnaît Mikkel, un homme de son passé. Eva devient alors une autre personne. La bonté disparaît pour laisser place à une vengeance implacable, voire sadique.
Après Le coupable, Gustav Möller, auteur du scénario de Sidse Babett Knudsen, nous enferme dans un lieu que l’humanité semble avoir déserté avec Des sons, Prix Sang Nouveau au 4ème Festival du Film Policier de Reims. Un confinement physique, claustrophobe, mais aussi psychologique.
Prison, vie et mort
Le réalisateur danois a tourné dans des décors naturels à Vridsløselille, une prison près de Copenhague désaffectée depuis 2018. La vétusté des lieux contribue à rendre l’atmosphère plus étouffante. Eva subit donc une métamorphose à l’arrivée de Mikkel, l’assassin de son fils. A son contact, elle sera différente. Et c’est la force de Gustav Möller de capter toutes les nuances du parcours de la mère blessée.
Le réalisateur explore la vengeance, le pardon et la rédemption. Une personne condamnée a-t-elle droit à une seconde chance ? “Chaque prison est le miroir de la société qui l’a construite. J’ai le sentiment que c’est le cas au Danemark et dans la plupart des pays européens d’ailleurs… Nous n’avons toujours pas décidé du modèle de prisons que nous voulons mettre en place et, par extension, de notre modèle de société. Sommes-nous des êtres rationnels ou émotifs ? Croyons-nous au pardon et à la réintégration ? Ou préférons-nous la vengeance et la punition ? Actuellement, le système judiciaire tente de concilier les deux approches, même si elles sont complètement contradictoires. » note Gustav Möller.
Au-delà du système carcéral, le réalisateur s’est surtout attaché à montrer les déchirements d’une mère, puissante dans sa fragilité, qui perd pied et qui ne s’identifie plus à celle qu’elle est devenue. Sidse Babett Knudsen est impressionnante dans son interprétation. Avec une économie de gestes et d’expressions, elle parvient à rendre toute la complexité de son personnage torturé.
L’une des scènes les plus fortes du film, et il y en a plusieurs, est sans doute celle qui réunit Eva, Mikkel et sa mère autour d’une table lors de la sortie familiale du prisonnier. Enfermés comme dans un tableau, tous prisonniers de leur souffrance, ils ne peuvent se libérer du passé, ni communiquer. Des sons, un film puissant et physique sur le deuil impossible et la lutte inévitable, parfois contre soi-même, pour le pardon et la liberté.
La feuille
Genre : Thriller, Drame
Réalisateur : Gustav Möller
Acteurs: Sidse Babett Knudsen, Sebastian Bull Sarning, Dar Salim
Pays : Danemark/Suède
Durée : 1h40
Sortie : 10 juillet 2024
Distributeur : Les films du Losange
Synopsis: Eva, gardienne de prison exemplaire, se retrouve confrontée à un véritable dilemme lorsqu’un jeune homme de son passé est transféré dans la prison où elle travaille. Sans dévoiler son secret, Eva demande son transfert dans l’unité du jeune homme, réputée comme la plus violente de la prison.