L’insoumise Sophia Chikirou a été mise en examen mardi à Paris pour escroquerie aggravée et abus de biens sociaux dans l’enquête sur les comptes de campagne de 2017 du candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon, dont elle est proche.
Mme Chikirou est arrivée mardi matin vers 9h40 par l’arrière – réservé aux professionnels – du tribunal judiciaire de Paris, ont constaté des journalistes de l’AFP et du Monde.
En fin de matinée, une source judiciaire a indiqué à l’AFP que le député parisien avait été mis en examen pour escroquerie aggravée, abus de biens sociaux et recel.
“Sophia Chikirou a fait une déclaration dans laquelle elle a dénoncé le harcèlement dont elle est victime depuis sept ans, les fuites répétées dans la presse et le fait qu’elle estimait n’avoir rien à se reprocher”, a déclaré à l’AFP Dominique Tricaud, qui l’accompagnait lors de cette convocation, plusieurs fois reportée.
La justice soupçonne Mediascop, son cabinet de conseil en communication, d’avoir surfacturé certaines prestations lors de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon en 2017, ce que nie l’élu de 45 ans.
En 2018, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) puis la cellule de renseignement financier Tracfin ont transmis des signalements au parquet de Paris, qui a ouvert une enquête préliminaire en avril de cette année.
La CNCCFP, qui a validé les comptes des onze candidats fin 2017 malgré certaines dépenses déduites (434.939 euros sur 10,7 millions déclarés concernant M. Mélenchon), avait justifié son reporting par des “interrogations”, notamment sur les dépenses facturées par deux structures liées à la campagne LFI, l’association l’Ere du peuple et par Mediascop.
Mi-octobre de la même année, le parquet avait mené des perquisitions spectaculaires, notamment parce qu’une partie d’entre elles avaient été retransmises en direct sur la page Facebook de Jean-Luc Mélenchon, au siège du parti, au domicile du leader des Insoumis et de nombreux collaborateurs, déclenchant l’ire du parti de gauche radicale.
“Il n’y a pas eu de surfacturation, Mediascop n’a pas surfacturé, il n’y a pas eu d’enrichissement personnel, il n’y a pas eu de détournement de fonds publics”, avait déjà écarté Mme Chikirou en octobre 2018, quelques jours après son audition libre de deux jours à Nanterre par la police anticorruption (Oclciff).
– “Prix libre” –
Début novembre 2018, l’affaire a été transmise aux juges d’instruction.
Selon un rapport d’enquête cité par Mediapart, Mediascop a vu “sa rentabilité bondir” à l’issue de ces campagnes 2017 avec un niveau “supérieur” aux entreprises comparables.
Selon Mediapart, Mme Chikirou aurait pu « se verser personnellement plus de 135 000 euros de salaire et de dividendes avant impôts, dont elle décidait seule du montant en tant que présidente et unique actionnaire de Mediascop », alors même qu’elle était en même temps responsable de la communication du candidat.
“La liberté des prix est le principe du capitalisme”, a déclaré à l’AFP une source proche de Mme Chikirou, contestant toute “tarification excessive” ou “tarification folle”.
Dans un premier temps, au printemps 2021, les juges d’instruction avaient mis en examen l’association l’Ère du peuple et la mandataire financière du candidat, Marie-Pierre Oprandi, pour “prêt illégal de main d’oeuvre”, et cette dernière en outre pour “usage de faux”, loin des soupçons d’escroquerie et de surfacturation initialement évoqués.
Le parti de gauche radicale a vu cela comme une forme de victoire.
Mais de nouvelles auditions révélées par la suite par Mediapart ont montré, selon le site d’investigation, que des missions facturées par Ere du peuple étaient en réalité réalisées par d’autres prestataires mais justifiées par l’association grâce à des factures potentiellement fausses.
En septembre 2021, le député LFI de Seine-Saint-Denis Bastien Lachaud, employé en 2017 comme trésorier de l’association, a été mis en examen notamment pour « prêt illégal de main-d’œuvre, faux, escroquerie et tentative d’escroquerie ».
Puis en février 2022, l’Ère du Peuple a vu ses poursuites s’aggraver, avec l’ajout des délits d’« escroquerie et tentative d’escroquerie aggravée » et de « faux et usage de faux ».
La mise en examen de Mme Chikirou pourrait fragiliser la position, déjà jugée clivante au sein du Nouveau Front populaire, de cette ancienne militante socialiste, soutien éphémère de Nicolas Sarkozy en 2007 avant de rejoindre plus tard Jean-Luc Mélenchon.
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