Sur le paisible port d’Aigiali, sur l’île cycladique d’Amorgos, le vent emporte tout sur son passage. Les touristes ne sont pas encore débarqués et seuls deux cafés sont ouverts. En hiver, il faut plus de neuf heures pour se rendre à Athènes. En été, les ferries ne mettent que sept heures. Ioannis Gavalas a une explication : « Les entreprises veulent économiser de l’argent en hiver, car peu de gens descendent à Amorgos, ce n’est pas une ligne rentable. En été, c’est différent, des milliers de touristes arrivent. Cela donne l’impression que nous, les insulaires, sommes peu considérés ! »
Le trentenaire, qui travaille dans le bâtiment hors saison et dans le tourisme à partir de juin, ne s’intéresse guère aux élections européennes. Il estime qu’à Amorgos, moins de 2 000 habitants, c’est « très loin des centres de décision » d’Athènes ou de Bruxelles. « Entre un endroit isolé comme le nôtre, où il y a peu de services publics, et une grande ville du continent, l’écart est énorme ! Nous avons parfois l’impression d’être des citoyens de seconde zone, qui n’ont pas droit aux mêmes prestations sociales que les autres »confie-t-il, amèrement.
Amoureux de son île rocheuse et sauvage, il souhaitait y rester et voir sa famille grandir sur ses terres. Katerina, sa femme, est enseignante dans le village de Lagada, qui ne compte que quarante-cinq enfants. En congé maternité depuis la naissance de leurs jumeaux, cette Athénienne est d’abord tombée sous le charme de la tranquillité d’Amorgos, ainsi que de la beauté de ses paysages. Mais depuis qu’elle est maman, elle n’arrive pas à calmer ses angoisses liées au manque de médecins. « Il n’y a pas de pédiatre ici. La clinique publique, normalement conçue pour accueillir huit médecins de spécialités différentes, ne compte qu’un seul cardiologue. S’il y a une urgence médicale, nous devons aller à Athènes, et c’est à neuf heures de routeelle s’inquiète. Théoriquement, il existe aussi un hélicoptère pour transporter les patients vers les hôpitaux athéniens, mais il n’en existe qu’un pour l’ensemble des Cyclades, et il est vite débordé. »
Alors que ses deux fils courent après les chats et les chiens errants, la femme dit ne pas savoir si elle va rester longtemps. « Nous sommes considérés comme participant au secteur phare de l’économie grecque, le tourisme, mais rien n’est fait pour améliorer la vie des habitants. Le gouvernement ne s’intéresse pas à nous, alors pourquoi l’Europe devrait-elle le faire ? »
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