Tensions, polémiques… Le procès du viol de Mazan confronté à de multiples perturbations

On en parle depuis plusieurs jours comme d’un procès « historique ». Le procès des viols de Mazan a été qualifié par les commentateurs d’« historique » et d’« extraordinaire » lors de son ouverture, le 2 septembre. Déjà par le nombre d’accusés (51 présents), par les faits reprochés – des viols sous soumission chimique -, par la durée des faits reprochés – près de 10 ans -, mais aussi par la décision de la victime, Gisèle Pelicot, d’ouvrir les débats en renonçant au huis clos.

Trois semaines d’audience se sont écoulées et l’ambiance dans cette salle d’audience d’Avignon a changé. Des dizaines de journalistes du monde entier sont venus assister aux débats ainsi que des dizaines d’anonymes, venus soutenir Gisèle Pelicot. Ce vendredi, ils étaient encore plus nombreux, près d’une centaine, à venir applaudir la septuagénaire. Dans le même temps, des tensions sont apparues à l’intérieur comme à l’extérieur de la salle d’audience.

· La diffusion restreinte de vidéos contrarie les avocats

L’annonce est tombée de manière inattendue. Ce vendredi matin, le président du tribunal correctionnel de Vaucluse a décidé de restreindre la diffusion des vidéos aux seules parties au dossier, à savoir le tribunal, les procureurs généraux, les avocats des parties civiles et de la défense et leurs clients. Une décision prise au nom de la « décence et des bonnes mœurs » alors que les avocats n’avaient interpellé le magistrat que sur la diffusion systématique de chaque vidéo pour chaque accusé.

Sont donc partis les journalistes qui auraient pu rendre compte au grand public de la réalité des faits évoqués. Le premier jour du procès, Gisèle Pelicot avait accepté que les débats soient publics, y compris lors du visionnage de ces vidéos filmées par Dominique Pelicot, parfois par certains de ses coaccusés, des actes qu’ils faisaient subir à Gisèle Pelicot, alors qu’elle dormait. Jeudi, seul le public présent dans la salle de diffusion avait été invité à sortir, le président du tribunal ne pouvant contrôler d’éventuels dérapages.

Pour la partie civile, la décision du président du tribunal correctionnel, Roger Arata, prise au nom de son pouvoir discrétionnaire, est une manière « d’instaurer une forme de huis clos ». « Sans ces vidéos, il n’y aurait pas de procès », rappelle Me Antoine Camus, avocat de Gisèle Pelicot et de ses enfants. « C’est donc dire que c’est le dossier qui est indigne, que ce sont les débats qui sont indignes ». Pour son confrère, Me Babonneau, « quand on entend qu’il faut protéger la dignité de Mme Pelicot, il est difficile de ne pas penser qu’on protège l’impunité ».

Si Gisèle Pelicot avait “l’ambition de faire bouger les choses”, “pour que cette société change, il faut avoir le courage d’affronter la réalité du viol”, a ajouté Me Stéphane Babonneau.

· Les déclarations d’un avocat suscitent la controverse

C’est une vidéo de quelques dizaines de secondes qui provoque l’incompréhension, voire la consternation, chez beaucoup de ceux qui l’ont vue. Nadia El Bouroumi, avocate de deux accusés qui nient l’intention de viol dans ce procès, se filme dans son véhicule en train de danser sur une chanson de Wham ! Réveille-moi avant de partirlittéralement « Réveille-moi avant de partir ». Interrogée sur BFMTV sur le choix de cette chanson, qui ne semble pas anodine, elle s’insurge :

« Il n’y a aucune indécence. Dans ma légende, j’explique qu’il faut se lever tôt pour me museler. »

Nadia El Bouroumi publie régulièrement depuis quatre ans des vidéos sur son compte Instagram, raconte-t-elle, évoquant le fonctionnement de la justice et les affaires dans lesquelles elle est impliquée.

Dans l’un de ses stories, elle revient sur une autre séquence du débat pour le moins surprenante. “Il y a eu un débat sur la présentation publique de ces photos. Je suis une femme et je suis gênée. On ne voulait pas que ce soit diffusé devant tout le monde. Vous êtes en colère, mais vous êtes aussi responsable de cette diffusion”, a crié Me El Bouroumi à Gisèle Pelicot, à qui on venait de demander si elle n’était pas une “exhibitionniste”.

Pour la criminaliste, c’est son ton naturel, son « énergie ». « Ma stratégie n’est pas de dire que Mme Pelicot n’est pas une victime. J’explique que je comprends lors de mon intervention que, lorsqu’elle est sous soumission chimique, contrairement à ce que l’expert nous a dit, elle n’est pas un poids mort. Techniquement, on peut discuter de la soumission chimique et des conséquences que cela peut avoir. » La criminaliste explique avoir été victime d’insultes et de menaces depuis le début du procès.

· Les cris d’un avocat contre Gisèle Pelicot choquent

La scène décrite est surréaliste. Mercredi, Gisèle Pelicot est interrogée par les avocats de la défense. La partie civile avait déjà évoqué dix jours plus tôt sa vie avec Dominique Pelicot et les sévices qu’elle avait subis. Pour les avocats des accusés, qui nient dans leur grande majorité l’intention de viol, l’enjeu est de démontrer au moins que leurs clients auraient été trompés par Dominique Pelicot. Ils ont donc demandé la publication de photos de Gisèle Pelicot sur lesquelles elle apparaît consciente et consentante.

« Entre ‘j’ai harcelé’, ‘j’ai fait semblant’, ‘j’étais ivre’, ‘j’étais complice’, voilà qu’ils essaient de diffuser des photos prises par M. Pelicot pour me faire passer pour coupable. Qui est le coupable dans ce tribunal ? », s’est-elle interrogée.

« Quand on reçoit des photos comme celles-là, on peut se dire que c’est une femme qui aime les jeux sexuels », a déclaré l’avocate Nadia El Bouroumi. « Je suis très surprise par ces photos qui ont été prises à mon insu », a rétorqué Gisèle Pelicot. Puis, cette dernière est revenue sur la déclaration d’un avocat la semaine dernière estimant qu’il y a « viol et viol », opposant, selon sa logique, viol volontaire et viol involontaire.

A un mètre d’elle, Me de Palma, l’avocat qui a fait cette déclaration, s’est insurgé en criant à la partie civile. « Je suis désolé que les propos aient été choquants, mon intention était de rappeler les règles de droit. Mais Madame, il ne faut pas ajouter de sel au débat ! » Et il s’est mis à crier : « Avec cette polémique vous avez réussi votre coup ! » Le président du tribunal correctionnel n’est pas intervenu pour mettre un terme à la scène.

· Les tensions entre le public et les accusés s’accentuent

32 des 50 coaccusés de Dominique Pelicot comparaissent libres. Une situation qui les oblige à entrer dans la salle d’audience par la même entrée que le public. Ils déambulent aussi aux mêmes endroits, que ce soit à la machine à café ou dans la file d’attente des toilettes. Depuis le début de la semaine, le public, de plus en plus présent, hue régulièrement ces hommes à leur entrée dans la salle d’audience. « Violeurs », « honte », émanent de cette foule.

Alors que ces hommes étaient déjà émus par la présence des journalistes et de leurs caméras, la tension est montée d’un cran. Des violences verbales contre les journalistes ont été signalées. Une vidéo montrant des insultes et menaces proférées par l’un des accusés à l’encontre d’une femme qui déplorait la situation pour « sa mère » a également été diffusée.

Le tribunal a donc décidé cette semaine d’augmenter le nombre de policiers présents chaque jour pour assurer la sécurité du procès. Un dispositif qui sera adapté à la présence du public et des journalistes.

· L’état de santé de Dominique Pelicot suscite des interrogations

La tenue et l’organisation du procès ont été suspendues en raison de l’état de santé de Dominique Pelicot. Le principal accusé de ce procès souffrait de douleurs intestinales depuis vendredi 6 septembre et son rétablissement n’a pu être confirmé que mardi 17 septembre.

Après une première dispense le lundi 9 septembre, le président du tribunal avait indiqué mardi 10 septembre, à la demande de son avocat, qu’il ordonnait une expertise médico-légale pour évaluer l’aptitude du septuagénaire à comparaître. Un certificat médical avait entre-temps été délivré attestant que Dominique Pelicot était apte. L’expertise avait donc été suspendue. Le lendemain, l’accusé étant toujours en mauvais état, il avait de nouveau été dispensé.

Dans la journée, selon son avocat, il a vu un médecin de la prison du Pontet à Avignon qui lui a prescrit un médicament, qui n’était “pas en stock”. “Mercredi, jeudi, vendredi, samedi, il est resté seul au fond de sa cellule, sans recevoir aucun soin”, a déploré Me Béatrice Zavarro, évoquant des “soins lamentables”.

Ce n’est que dimanche qu’il a été hospitalisé. Une prise de sang et un scanner ont été pratiqués par les médecins, révélant une infection urinaire, un caillot dans la vessie et un problème de prostate. L’expertise médico-légale a finalement été réalisée. 24 heures plus tard, Dominique Pelicot est revenu sur le banc des accusés, et a répondu aux questions du tribunal.

Toutes les parties ont exprimé leur « colère » face à cette situation. L’interrogatoire de Dominique Pelicot, dont la majorité des accusés le mettent en cause et affirment avoir été manipulés par lui, a dû être reporté d’une semaine. Outre le respect de son droit à la dignité, la possibilité de l’interroger peut apporter des réponses aux nombreuses questions qui se posent dans ce procès.

Article original publié sur BFMTV.com

Anna

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