(Québec) Les villes de Québec sont « furieuses » contre le gouvernement Legault qui leur demande depuis 2020 de céder gratuitement des bâtiments et des terrains pour la construction ou l’agrandissement d’écoles. Ils demandent au ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, de corriger la situation avec sa réforme de la gouvernance scolaire.
En entretien avec La presse, le maire de Varennes, en Montérégie, et président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), Martin Damphousse, ne se fâche pas. Son association, qui représente 85 % de la population de la province, n’a même pas eu droit à un accusé de réception lorsqu’elle a souhaité participer aux audiences publiques du projet de loi 23 qui se terminent mercredi.
« Avez-vous déjà vu que l’éducation est une responsabilité municipale ? Ça ne l’a jamais été ! […] En 2020, en pleine nuit et sous le bâillon, sans aucune concertation, le gouvernement a ajouté une disposition [au projet de loi 40] qui permet aux centres de services scolaires [d’imposer] villes avec les terrains qu’elles veulent pour les futures écoles », dénonce-t-il.
Résultat : depuis l’adoption de la loi, 18 % des communes ont été contraintes de céder gratuitement des bâtiments ou des terrains au réseau scolaire. Dans certains cas, des expropriations ont dû être faites.
Un sondage mené par l’UMQ estime que la valeur moyenne des propriétés vendues est de 2,9 millions. Pour certaines communes, la facture est encore plus élevée. À Montréal, un immeuble d’une valeur de 6,1 millions de dollars a été vendu. Dans Lanaudière, un autre immeuble avait une valeur de 4,5 millions.
« À Otterburn Park, [un terrain cédé] a coûté 12 millions de dollars à la Ville. C’est la valeur de leur budget annuel ! Cependant, ce n’est pas notre responsabilité », affirme M. Damphousse. En 2020, l’ancienne présidente de l’UMQ et aujourd’hui ministre de la CAQ Suzanne Roy déplorait que le gouvernement accorde aux personnes non élues le pouvoir d’intervenir dans le domaine fiscal des villes.
Conséquence : pour se conformer à la loi et répondre aux demandes des centres de services scolaires, les villes placent ces dépenses sur leur dette. Auparavant, les anciennes commissions scolaires et municipalités devaient négocier. Le Québec s’est plaint que les projets de construction d’écoles traînaient en longueur faute d’entente.
Densifier les villes et les écoles
Le président de l’UMQ, Martin Damphousse, estime que la logique poursuivie par les villes, qui veulent densifier leur territoire, doit aussi s’appliquer au milieu scolaire. À l’avenir, les écoles devront être construites sur des hauteurs plutôt que de s’emparer de « terrains gigantesques ».

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE
Martin Damphousse, maire de Varennes et président de l’Union des municipalités du Québec
Les jeunes, au lieu d’être sur leur téléphone portable, ils montent les escaliers et font de l’exercice physique. C’est une bonne chose ! La réalité est que nous prendrons quatre fois moins de terrain pour le même bâtiment.
Martin Damphousse, président de l’UMQ
La règle actuelle, insiste M. Damphousse, « ne tient pas la route ». Chaque fois qu’un conseil d’administration d’un centre de services scolaire se renouvelle et revendique un terrain, « les villes nouvelles s’enflamment et le mécontentement grandit ».
Les PDG craignent pour leur emploi
De plus, les directeurs généraux des centres de services scolaires, que le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, veut pouvoir nommer ou congédier à l’avenir, craignent pour leur poste.
« Il y a certainement une peur et nous proposons [au ministre d’intégrer] un filet de sécurité avec un processus formel d’évaluation dès le début de l’année où les attentes sont précisées », explique Lucien Maltais, président de l’Association des directions générales scolaires du Québec (ADGSQ).
Dans son projet de loi 23, M. Drainville se donne des pouvoirs jusqu’alors exercés par les conseils d’administration des centres de services scolaires afin de nommer leurs directeurs généraux. Il se dote également de leviers qui lui permettent de défaire les décisions prises localement lorsqu’elles contreviennent, selon lui, aux orientations du gouvernement.
M. Maltais craint que ce nouveau pouvoir, qu’il propose de retirer du projet de loi, ne soit utilisé selon les gros titres des médias lorsqu’ils donnent une mauvaise image du gouvernement.
Cependant, les décisions difficiles qui sont prises par la direction générale sont parfois nécessaires et réfléchies, dit-il.
« Si le ministre veut quand même aller de l’avant avec [ce nouveau pouvoir]il ferait bien de former un comité qui [analyser] toutes les informations pertinentes utilisées pour prendre une décision. Si cette décision ne respecte pas les lois et règlements, [le ministre pourra] le réviser », a déclaré le président de l’ADGSQ.
Selon lui, ce nouveau pouvoir que le ministre se donne « est inutile et pourrait créer, au cas par cas, [avec] un jugement rapide sur une situation sans avoir pris toutes les informations ».
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