LLe vote d’un projet de loi ouvrant la voie à l’interdiction de TikTok aux Etats-Unis marque une nouvelle étape dans un psychodrame américain, avant d’être occidental, dans lequel TikTok est présenté comme le cheval de Troie d’un Parti communiste chinois tout-puissant.
La Chine étant devenue le principal rival des Etats-Unis, il n’est pas étonnant que Washington s’inquiète de la popularité d’une application chinoise – TikTok compte 170 millions d’utilisateurs outre-Atlantique, soit la moitié du pays. Dans un champ lexical qui rappelle la guerre froide, le monde politique américain dénonce pêle-mêle les tentatives de manipulation de l’information, le vol de données personnelles et les risques d’espionnage ; autant de dangers pour la sécurité nationale que seul un changement de propriétaire semble pouvoir prévenir.
Dans un pays obsédé par sa concurrence économique, technologique et militaire avec la Chine, l’argument est efficace, d’autant que ByteDance est critiquable. Malgré ses démentis, TikTok continue de transférer certaines données américaines vers la Chine. Plus grave, l’entreprise était accusée de surveiller les journalistes. Enfin, ces derniers mois, TikTok s’est lancé dans un lobbying féroce auprès du Congrès, mêlant conseillers fantômes et campagnes de pression publique sur les parlementaires.
Pour ses détracteurs, ces agissements constituent une preuve du danger que représente TikTok. Il n’existe cependant aucune preuve formelle de manipulation d’informations ou de capture massive de données individuelles. ByteDance a également tenté de proposer des alternatives à la vente de son réseau social avec le projet « Texas », visant à protéger les données des utilisateurs aux Etats-Unis. Rien n’y fait : aux yeux des décideurs, le péché est originel. Pour Washington, tant que TikTok restera sous pavillon chinois, le danger demeurera.
La question se pose-t-elle dans les mêmes termes pour les pays européens ? TikTok et ByteDance sont-ils une menace pour la sécurité nationale ? Tout comme aux États-Unis, l’application est accusée de transférer les données des utilisateurs vers la Chine, de pratiquer l’évasion fiscale ou de mentir aux régulateurs financiers. Ces accusations sont cependant les mêmes que celles portées contre d’autres poids lourds du numérique, tous américains.
Approche de sécurité
L’argument d’une atteinte à la sécurité nationale ou à la souveraineté numérique européenne semble donc fragile. Il semble même ironique de s’inquiéter de la capacité du régime chinois à collecter des informations via TikTok à l’heure où la troisième itération des accords entre l’Union européenne et les États-Unis sur les données individuelles est toujours contestée devant la justice. Par ailleurs, au lendemain du vote sur TikTok à la Chambre des représentants, le Sénat américain a renouvelé l’autorisation permettant à l’exécutif américain d’espionner toute personne ou entreprise sans contrôle préalable de l’autorité judiciaire.
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