Travail, justice, éducation… Où sont les « projets prioritaires » d’Emmanuel Macron, un an après la réforme des retraites ?

Objectif : relancer son deuxième quinquennat en tournant la page de la réforme des retraites. Le 17 avril 2023, après la validation de l’essentiel du texte par le Conseil constitutionnel, Emmanuel Macron prononce un discours pour rappeler aux Français sa feuille de route.

Travail, justice, santé, éducation… Le président de la République a alors insisté sur plusieurs « chantiers prioritaires ». Un an après cette prise de parole, franceinfo fait le point sur l’avancée des principaux travaux annoncés.

« Remettre au travail le plus grand nombre de bénéficiaires du RSA » : une réforme pas encore généralisée

Sur le front de l’emploi, Emmanuel Macron a entendu « redoubler d’efforts pour remettre au travail le plus grand nombre possible de bénéficiaires du RSA ». La loi « pour le plein emploi » du 18 décembre 2023 a conditionné le versement du revenu de solidarité active à quinze, voire vingt heures d’activité d’insertion par semaine.

Le texte prévoit également que les bénéficiaires sont automatiquement inscrits à France Travail (anciennement Pôle Emploi). Jusque-là, seuls 41 % des allocataires du RSA étaient inscrits à Pôle Emploi, selon une note publiée en 2022 (Document PDF) par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Un accompagnement renforcé est proposé à tous les allocataires, et certains d’entre eux bénéficient d’un suivi conjoint par un conseiller de France Travail et une assistante sociale du département.

Difficile pour l’instant d’évaluer l’efficacité de ce RSA conditionné, dont l’expérimentation est passée de 18 à 47 départements début mars. Le Premier ministre Gabriel Attal a affirmé à cette occasion qu’un allocataire sur deux avait retrouvé l’emploi au bout de cinq mois, mais cette affirmation est à prendre avec prudence. Selon nos informations, le chef du gouvernement s’appuie en effet sur un échantillon très fragmenté d’environ 5 000 personnes, sur près de 21 300 bénéficiaires du RSA conditionnel. Or, la France comptait 2,1 millions de personnes au RSA au total fin 2022, selon la Drees.

« Les patients souffrant de maladies chroniques sans médecin généraliste y auront accès » : une promesse loin d’être tenue

En matière de santé, Emmanuel Macron a assuré dans son discours que “d’ici la fin de l’année (2023)600 000 patients atteints de maladies chroniques et n’ayant pas de médecin traitant en auront un.”. Dans la foulée, le gouvernement a lancé un plan d’action pour accélérer sur le sujet. Mais l’objectif n’a pas été atteint. “Nous n’y serons pas”, a reconnu sur franceinfo le plateau de décembre 2023 Agnès Firmin-Le Bodo, alors ministre de la Santé. Elle avait lors de cet entretien donné “de mémoire” le chiffre de “180 000″ les patients souffrant d’une maladie chronique qui ont trouvé un médecin traitant.

En comptant « 600 000 patients atteints de maladies chroniques », le chef de l’Etat était de toute façon loin du compte. En mars 2023, le ministère de la Santé recensait plus de 700 000 personnes dans cette situation. Contactée par franceinfo, la Caisse nationale d’assurance maladie a fourni un bilan actualisé : en décembre 2023, 240 000 personnes atteintes d’une maladie chronique ont trouvé un médecin traitant et 472 000 autres n’en avaient pas.

« Augmenter l’emploi des seniors » : des difficultés persistantes

Emmanuel Macron avait promis de« accroître l’emploi des seniors et aider à la reconversion ». Le gouvernement s’est fixé un objectif d’un taux d’emploi de 65% “d’ici 2030” pour les 60-64 ans, alors qu’il n’était que de 36,2% en 2022, selon les chiffres de la Direction des statistiques du ministère du Travail (Document PDF). Un taux inférieur à la moyenne européenne et à celle des pays de l’OCDE. Force est de constater que les difficultés persistent.

“Il n’y a pas eu d’inflexion impact majeur sur l’emploi des seniors au cours de l’année écoulée”note de franceinfo Bruno Coquet, économiste spécialiste du chômage. Le taux d’emploi des seniors est en hausse depuis une vingtaine d’années, mais c’est structurel.” Cette augmentation, commune à la plupart des pays d’Europe occidentale, s’explique par « l’entrée des baby-boomers dans la catégorie des plus de 55 ans »explique Hippolyte d’Albis, chef économiste de l’Inspection générale des finances, dans sa publication Les seniors et l’emploi.

L’exécutif considère sa réforme des retraites comme l’un des leviers les plus efficaces pour accroître l’emploi des seniors. Mais une étude de l’Unedic publiée en mars 2023 montre que les réformes précédentes ont plutôt eu l’effet inverse. « Le relèvement de l’âge légal de la retraite n’a paradoxalement pas eu d’effet net positif sur l’emploi des seniors », note Hippolyte d’Albis. En effet, même si cette élévation a pu contribuer à une «augmentation des seniors en emploi»elle a également participé à une « augmentation du nombre de personnes au chômage, en invalidité et en arrêt maladie »» argumente l’économiste dans son ouvrage.

Les négociations de trois mois et demi entre syndicats et patronat pour trouver un accord améliorant l’emploi des seniors se sont soldées par un échec dans la nuit du 9 au 10 avril. La validation par le gouvernement de l’accord sur l’assurance-chômage négocié à l’automne est donc compromise. De toute façon, cela pourrait vite devenir obsolète. Gabriel Attal a annoncé fin mars une nouvelle réforme de l’assurance chômage. Réduire les indemnisations des demandeurs d’emploi seniors est une des pistes envisagées.

« Trouver des solutions à l’usure professionnelle » : un bilan mitigé

Le président voulait « trouver des solutions au port professionnel », provoquées par certaines professions aux conditions difficiles. Trois mois avant son intervention, la Première ministre de l’époque, Elisabeth Borne, se félicitait d’avoir ” enrichi de tous les dispositifs pouvant prendre en compte la pénibilité (au travail) avec la réforme des retraites. Son observation doit cependant être nuancée. Si la réforme a bien permis d’abaisser le seuil d’obtention de certains critères de pénibilité, donnant droit à une retraite anticipée, trois critères ont « disparu » depuis 2017 : le port de lourdes charges, la présence de postures pénibles et de vibrations mécaniques.

Ces risques dits « ergonomiques », reconnus par le ministère du Travail comme responsables de 87 % des maladies professionnelles reconnues chaque année, sont cependant pris en compte dans les actions de prévention et de reconversion des salariés concernés. Ces mesures sont financées par un fonds d’investissement en prévention de l’usure professionnelle, créé en avril 2023 et doté d’un milliard d’euros sur le quinquennat.

« Un déménageur qui transporte une lourde charge n’est pas considéré comme pénible. C’est une usure professionnelle.célèbre auprès de franceinfo Emeric Jeansen, maître de conférences en droit social. « Avant, il pouvait espérer accumuler des points année après année pour prendre sa retraite plus tôt. Désormais, il n’a plus que le droit d’exiger que son employeur mette en œuvre des actions préventives pour éviter qu’il ne soit endommagé.”il résume. “A ma connaissance, il ne s’est rien passé depuis la loi de réforme des retraites”conclut ce spécialiste.

« Initier la réforme du lycée professionnel » : travaux en cours

Emmanuel Macron a annoncé vouloir « engager la réforme du lycée professionnel » de sorte que « le plus grand nombre de nos adolescents et jeunes accèdent soit à une formation véritablement qualifiante, soit à un emploi ». La réforme est bien avancée. Depuis la rentrée 2023, des mesures visant à prévenir le décrochage scolaire et à favoriser l’insertion professionnelle des jeunes lycéens ont été développées, comme des périodes enrichissantes de formation en milieu professionnel ou encore des enseignements en petits groupes pour un enseignement renforcé en mathématiques et Le français dans les établissements associatifs.

La rentrée 2024 devrait être l’occasion de mettre en œuvre une autre mesure importante : la création de deux parcours différenciés entre les étudiants qui souhaitent poursuivre leurs études et ceux qui souhaitent entrer directement dans le monde du travail.

Si les détails de la réforme restent à définir dans les mois à venir, l’initiative fait déjà débat au sein des syndicats d’enseignants. « Cette réforme va accroître les difficultés. Les jeunes qui choisissent la voie des affaires perdront 180 heures de cours”, déplore Axel Benoist, co-secrétaire général du syndicat de l’enseignement professionnel SNUEP-FSU. Selon lui, le reste de la réforme doit être présenté au printemps, en vue d’une mise en œuvre à la rentrée 2024.

« Remplacement systématique des enseignants absents » : amélioration

C’est l’une des principales revendications des parents, dont certains ont même porté plainte contre l’État en mai 2023 pour défaut de remplacement des enseignants absents. Emmanuel Macron avait réitéré la volonté de l’exécutif de remplacer systématiquement les enseignants absents dès la rentrée 2023.

Un décret du 8 août 2023 a établi de nouvelles règles en la matière. Plusieurs outils ont été mis en place pour améliorer la situation, notamment le « pacte des enseignants ». Ce système permet aux enseignants de percevoir une prime annuelle en échange de missions supplémentaires, comme le remplacement de leurs collègues absents. Au deuxième niveau, le remplacement des absences de moins de 15 jours devait jusqu’à présent être assuré en interne par les collègues du professeur absent. Désormais, les rectorats peuvent faire appel à des solutions extérieures pour combler ces absences.

Même si des ressources ont été mises en place, toutes les absences ne sont pas remplacées. Selon les données gouvernementales, le taux de remplacement dans l’enseignement primaire a gagné 8,7 points entre août 2022 et septembre 2023, pour atteindre 77,4%. Sur la même période, on constate une légère amélioration (0,5 point) dans l’enseignement secondaire, avec 94,5% de remplacement. L’objectif du gouvernement dans l’enseignement primaire et secondaire est d’atteindre 95%.

« Continuer à recruter plus de 10 000 magistrats et agents » : encore loin du compte

En matière de justice, le président a réitéré l’intention du gouvernement de “continuer à recruter plus de 10 000 magistrats et agents”. Un projet de réforme a été présenté en mai 2023. Le ministre Eric Dupond-Moretti a promis la création de 10 000 postes de fonctionnaires. Contacté par franceinfo, le ministère a détaillé certains objectifs de recrutement : « 1 500 magistrats, 1 800 greffiers d’ici 2027 et 1 100 attachés de justice d’ici fin 2024 ». Pour cela, le budget de la justice a été augmenté pour atteindre 11 milliards d’euros en 2027. Un an après les annonces du chef de l’Etat, où en sommes-nous ?

Selon le ministère, « 2 400 agents contractuels ont déjà été recrutés dans les tribunaux depuis 2020 dans le cadre de la justice de proximité ». La Chancellerie ne précise pas la nature des postes occupés par ces agents. Le site Internet du gouvernement propose de suivre l’avancée du recrutement, mais il n’est plus mis à jour depuis le 31 août 2023. A cette échéance, 252 magistrats avaient été recrutés, soit 17% de l’objectif visé.

Quatre mois plus tard, l’École nationale de la magistrature (ENM) révélait la composition de sa promotion 2024, comprenant 353 aspirants magistrats, selon le site internet de l’établissement, soit une augmentation de près de 37% par rapport à la promotion 2022 (258 étudiants). « Vous ferez ainsi partie de la plus grande promotion d’auditeurs de l’ENM depuis sa création »s’est réjouie Nathalie Roret, directrice de l’établissement, dans une vidéo pour les nouveaux admis.

Pour les postes de commis, le ministère de la Justice a lancé une première campagne de recrutement en octobre 2023, avec 450 postes à pourvoir, selon France Travail. A ce jour, 412 candidats ont été présélectionnés, selon le site Internet du ministère de la Justice. Toujours selon cette source, une deuxième session de recrutement aura lieu en avril 2024.

Elise

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