AFP
Après le Sahel, la Légion étrangère se prépare à sécuriser les JO
Autour d’eux, la garrigue s’étend à perte de vue et le lieutenant Antoine fait appel à l’imagination de ses troupes. “Il n’y a pas de Tour Eiffel mais nous sommes à Paris”, a-t-il lancé à ces légionnaires qui s’entraînent pour sécuriser les JO. Ici, dans le camp militaire de Canjuers (Sud), pas de site olympique à l’horizon mais des casernes métalliques que ces soldats népalais, mongols ou ukrainiens vont ratisser, soutenus par un chien et un drone. Dans quelques semaines, ils répéteront les mêmes gestes à Paris dans les enceintes sportives. Avant de lancer l’exercice, l’officier veut s’assurer que les objectifs de la journée –effectuer une “recherche opérationnelle”, rappeler le protocole en cas de découverte d'”objets suspects”– sont bien compris par ces militaires dans leurs français approximatif. « Qu’est-ce qu’un élément chien ? » il demande. Un légionnaire a la bonne réponse (« un chien ») mais en népalais, sa langue d’origine. La barrière de la langue n’est pas nouvelle pour ce 2e régiment du génie étranger, où cohabitent une trentaine de nationalités, et n’a pas empêché son déploiement au Mali ou au Niger. Plus généralement, cela ne surprend plus grand monde dans l’armée française, dont la Légion étrangère fait partie intégrante depuis le XIXe siècle et à laquelle elle fournit aujourd’hui quelque 10 000 hommes. Mais sécuriser les sites olympiques dont ces légionnaires auront la charge avec la police et les gendarmes posent de nouveaux défis. “Les difficultés spécifiques sont la complexité et la densité de l’environnement urbain, de nombreux facteurs, de nombreux acteurs.” , résume le lieutenant Hugo qui, comme les autres militaires interrogés par l’AFP, est seulement autorisé à donner son prénom. Au Niger, en 2023, ces légionnaires pourraient passer une journée entière à fouiller un village mais à Paris ils disposeront d’un bon temps plus limité pour inspecter de grands chantiers, ayant parfois affaire à des forces de sécurité privées. – “Second vie” -Dans le maquis méditerranéen, pour se préparer à ces nouvelles interactions, un militaire joue le rôle d’un garde moyennement coopératif. Lorsque des légionnaires l’interrogent sur une bouteille remplie d’une matière suspecte qu’ils viennent de découvrir, ses réponses sont évasives. « Je ne sais pas ce que c’est, je ne regarde pas de midi à 14 heures », élude-t-il. Après avoir « marqué » le chien, un autre produit est retrouvé dans une caserne : un morceau de plastique de 500 grammes caché sous le sol, lui-même recouvert de caisses en bois. “Ce qui était intéressant dans ce scénario, c’est qu’il y avait deux actions à mener en même temps”, constate le capitaine Aymeric, qui se félicite d’une “détection assez rapide” et assure que ses hommes sont prêts à rejoindre les quelque 20 000 militaires. déployé pour les Jeux olympiques. Engagé depuis 2018 et originaire du Népal, le Sergent « Ganesh » est conscient de l’importance de cette mission. Les JO “me motivent encore plus” et “me donnent (la) fierté de travailler pour la France”, dit ce militaire qui, comme ses camarades, a dû changer de nom en rejoignant l’armée française. Fibre patriotique n Or, cela n’est pas exigé de la Légion, dont la devise « Honneur et loyauté » efface l’appartenance nationale pour privilégier la solidarité entre frères d’armes. Pour y accéder, les conditions sont réduites : ne pas avoir commis de crimes de sang ou de délits pédophiles, être capable de se battre, accepter de purger au moins cinq ans et apprendre le français. Restriction supplémentaire depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en 2022, le recrutement de Russes et de Biélorusses est désormais interdit. Pour le reste, l’armée sait composer avec le passé des légionnaires, zones d’ombre comprises. La Légion, « c’est le choix d’une deuxième ou d’une troisième vie », selon le capitaine Aymeric. Avant de rejoindre le groupe, le sergent Ganesh était étudiant au Luxembourg mais tout le monde n’a pas un passé aussi fluide. Dans sa vie antérieure, l’un des légionnaires du régiment était membre du BOPE, une unité très controversée de la police brésilienne. “Ce qu’ils ont pu faire auparavant, cela ne nous concerne pas”, résume le capitaine, “ce qui m’intéresse, c’est ce qu’ils sont prêts à faire de nous”. jt/jf/cbn