Categories: Divertissement

Un beau récit initiatique sensible et magnétique qui enchante les paradis perdus de l’enfance.

Dans ce premier roman scintillant, l’éditeur et poète québécois Sébastien Dulude revisite certains épisodes de sa jeunesse à l’ombre des terrils canadiens de la ville minière de Thetford Mines dans un langage d’une merveilleuse puissance poétique.

France Télévisions – Culture Edito

Publié


Temps de lecture : 3 minutes

Parmi les belles surprises de la rentrée littéraire, il y en a dont la petite musique très particulière commence à composer ce qui ressemble de très près à l’un des tubes de l’automne. C’est le cas deAmiante du Québécois Sébastien Dulude, publié en août chez La Peuplade et déjà au palmarès de plusieurs prix littéraires.

L’histoire : Été 1986, à Thetford Mines, ville phare de l’industrie de l’amiante au Québec. Steve, neuf ans, et Charlélie, dite « la petite Poulin », dix ans, passent leurs journées à faire des balades en BMX au pied des cratères à ciel ouvert qui bordent la ville, toujours à l’affût de ce qui pourrait agrémenter leur nouveau cabine. , nichée au coeur de l’immense forêt voisine d’érables et de pins. Les deux enfants deviennent rapidement inséparables, évitant ensemble les longues périodes d’ennui et de désarroi familial. Petit homme anxieux, terrorisé par un père violent, Steve trouve en Charlélie plus qu’un ami, un double, un refuge. C’est alors qu’un accident totalement inattendu va bouleverser leur vie, contrariant la belle harmonie.

C’est un livre plein de contrastes, à la fois enchanteurs et vénéneux comme la topographie des lieux. Une mine d’amiante à ciel ouvert, une gigantesque trouée empoisonnée au milieu d’une vaste forêt. Un terrain de jeu fantastique dont la présence menaçante suscite d’emblée le sentiment d’une tragédie imminente.

Dans ce récit construit en deux parties autour d’un gouffre, Sébastien Dulude nous emmène sur les rives d’une magnifique amitié, racontée du point de vue de l’enfant, dans une succession d’instantanés inondés de lumière, comme des polaroïds retrouvés intacts au fond d’une boîte. Souvenirs d’une gémellité perdue dont les traces émotionnelles persistent à travers un langage qui déploie d’authentiques petits trésors pour décrire ce lien si particulier lorsque le cœur s’ouvre.comme une pivoine.

Nous suivons les deux enfants à travers leurs expéditions, leurs petites joies et leurs premières émotions dans le temps mort des chaudes après-midi de fin d’été. »ivre de rien”de la “gommes de cerise” poches pleines. “Nous avons pédalé guidés par tout et rien, animés par notre seule symbiose, un essaim de deux. (…) Notre proximité avait une plénitude à la fois nonchalante et immense, à la manière des cachalots, des cumulus et des nébuleuses. »

Une complicité toujours décrite dans le mouvement, comme une fuite momentanée pour fuir les violences familiales et sociales, autre thème majeur du livre. Fuir un père susceptible, “camionneur de mine”écrasé par son travail et l’angoisse de le perdre. Un père à la virilité débordante, colérique, incapable de communiquer avec son fils autrement que par l’humiliation ou les coups. “Mon père n’était pas méchant, il était en colère. Je pourrais le comprendre. Mon père ne me détestait pas : il ne m’aimait pas particulièrement. (…) J’en avais peur.” Mais ce qui est très intéressant, c’est justement l’évolution de ce petit garçon qui va se dévoiler dans la deuxième partie du livre malgré les accidents de la vie. Si sa douleur le coince un temps au sol, elle se transforme vite en colère émancipatrice. Et c’est là la grande force de ce texte que Sébastien Dulude dédie à son fils Julien. Une force qui parvient à transcender tous les chagrins, la solitude et les sentiments de perte. Parce que si “aucune phrase n’embrasse l’absence, ni l’instable”l’écriture reste le réservoir de tous les possibles.

« Asmiante » de Sébastien Dulude, éditions La Peuplade, 210 pages, 20 euros.

Extrait : « L’été, dans les friches entre le Chemin du Lac Noir et la forêt, des bosquets peuplés de cigales offraient des petites fleurs en grappes que l’on appelait des raisins. Vesces. Nous ne savions pas si elles étaient comestibles mais nous les mâchions. Leurs petites la pulpe explosait dans notre bouche, nous refroidissait le nez quelques secondes, ivres de rien, puis nous les recrachions. Le sable et les petits graviers que nous écrasions se coinçaient entre nos orteils lisses et nos sandales en cuir marron, comme des cartables. (p.25)

Juliette

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