Il y a quelques semaines, députés et sénateurs LR ne s’attendaient pas à voir autant de journalistes lors de leurs journées parlementaires à Aix-les-Bains pour les premiers et Annecy pour les seconds. La nomination de l’un des leurs à Matignon a remis au centre du jeu la cinquième force à l’Assemblée et la première au Sénat. Avec près de 180 parlementaires, la droite est comptée et rassurée quand son manque de légitimité à gouverner le pays est évoqué après deux échecs électoraux aux élections européennes et législatives. “Il est vrai que nous avons obtenu 6,5% aux législatives (score de LR et de divers candidats de droite). Mais en même temps, nous sommes les seuls à accepter de faire le boulot car la situation est grave. La droite a pris ses responsabilités et les Français nous auraient été très en colère de nous voir rester les bras croisés (…) Alors qu’aucun groupe n’a de toute façon de majorité”, souligne la sénatrice de Paris, Agnès Evren. “Avoir beaucoup de parlementaires, c’est rassurant pour le chef de l’Etat”, estime la députée Michèle Tabarot, qui oublie de préciser que seuls les députés ont le pouvoir de renverser le gouvernement par une motion de censure et que le groupe de Laurent Wauquiez ne compte qu’une quarantaine de députés.
« Pas d’espaces réservés mais des espaces partagés » avec le Premier ministre
A l’arrivée du Premier ministre au palais des congrès d’Annecy, les figures de proue de la droite lui ont réservé un accueil, si l’on peut dire, républicain. Gérard Larcher, Bruno Retailleau, le président du groupe au Sénat, et son homologue à l’Assemblée, Laurent Wauquiez, ainsi que les parlementaires du département, ont formé une haie d’honneur à sa sortie de voiture.
A l’intérieur du Palais des congrès, la réunion à huis clos s’est déroulée tout aussi « chaleureusement » selon les participants. Le Premier ministre a pris la parole pendant trente minutes pour assurer aux parlementaires que le « pacte législatif » présenté par Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau serait « la base » de son programme de gouvernement. Alors que ces derniers jours, Les Républicains avaient exprimé des craintes sur la marge de manœuvre de Michel Barnier, ce dernier aurait indiqué aux parlementaires qu’il ne croyait pas aux domaines réservés du chef de l’Etat « mais aux domaines partagés » avec le Premier ministre.
Si devant les parlementaires macronistes lundi, Michel Barnier avait affirmé qu’il ne s’agissait pas d’un remaniement mais d’un nouveau gouvernement”, certains sénateurs comme Alain Joyandet ou Bruno Retailleau parlent de “cohabitation”. “Nous sommes dans une situation qui nous rapproche de la cohabitation” a déclaré Bruno Retailleau lors d’une déclaration à la presse. Le Premier ministre a assuré aux élus de droite “qu’il se sentait chez lui parmi les élus LR et que Matignon était leur maison”. Il a néanmoins rappelé qu’il n’avait pas la majorité. L’essentiel pour les mois à venir était alors “que la base de droite soit plus large que celle de gauche” à l’Assemblée.
« Nous sommes certains qu’il ne sera pas un collaborateur mais un Premier ministre à part entière »
« Nous avons été très heureux d’accueillir Michel Barnier, qui est issu de notre famille politique. Sa nomination est une excellente nouvelle car nous sommes convaincus qu’il a les qualités pour réussir. Il aura le soutien très clair de tous nos parlementaires, qui pourrait aller jusqu’à une participation au gouvernement », a confirmé Laurent Wauquiez, soulignant que ce n’était pas la position initiale de son groupe. Ce qui a changé la donne ? La nomination d’un Premier ministre de droite « et parce qu’on ne peut pas laisser le pays bloqué pendant des mois », a-t-il justifié.
Sur ce sujet, les parlementaires ont obtenu des garanties du Premier ministre concernant l’application de leur pacte législatif présenté en juillet. « Nous avons présenté 13 textes législatifs et maintenant nous sommes certains qu’il ne sera pas un collaborateur mais un Premier ministre à part entière (…) Nous voulons que le Premier ministre mène une politique de la majorité nationale », a martelé Bruno Retailleau, citant les priorités : « les baisses d’impôts, la revalorisation du travail, moins d’immigration, plus de sécurité ».
« La droite plurielle, c’est la droite plus rien »
Restent encore plusieurs questions en suspens : quel LR gouverner et avec qui ? Michel Barnier a insisté devant les élus sur la nécessité de renouveler le gouvernement. La droite compte sur une dizaine de portefeuilles dont la Justice, l’Intérieur et Bercy. Quant à savoir si les deux présidents de groupe Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau y participeront ? « Ils sont prêts », répond sobrement leur entourage.
Mardi, lors des journées parlementaires, Horizons, Edouard Philippe a affirmé que des élus de son groupe participeraient également au gouvernement. De quoi imaginer une droite plurielle composée de LR et de la majorité sortante. Une ancienne majorité que la droite n’a pas manqué d’égratigner ces dernières années. “Excusez-moi, mais les réformes n’ont été faites que parce qu’il y avait le soutien des Républicains. Mon groupe a démontré depuis deux ans que nous étions capables de travailler avec tout le monde”, a objecté le député Alain Marleix.
“La droite plurielle, c’est la droite plus rien. Ce sera la droite forte qui exprime des convictions”, s’exclame le sénateur Marc-Philippe Daubresse. Pas sûr que le camp macroniste, qui compte une centaine de parlementaires, soit du même avis.