Le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada et le Japon ont annoncé qu’ils interdiraient les importations d’or russe, ce dimanche 26 juin lors de la première journée d’un sommet du G7 (qui réunit la France, les États-Unis). États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Canada et Japon) dans le sud de l’Allemagne. C’est le Royaume-Uni qui a pris la parole pour annoncer cette décision. « Ces mesures frapperont directement les oligarques russes et attaqueront le cœur de la machine de guerre de Poutine », a déclaré le Premier ministre britannique Boris Johnson. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken estime que cet embargo privera l’économie russe de 19 milliards de dollars par an, reprenant la somme des exportations d’or russes en 2019, dont une grande partie est allée au Royaume-Uni. Le London Metal Exchange est en effet une place de marché majeure pour le négoce de l’or et l’interdiction des groupes aurifères russes de ce marché majeur pourrait les placer dans une position très critique.
Mais si la Russie est le 2ème producteur d’or, le métal précieux ne représente que 5% de ses exportations et ne rapporte que 10 à 20 milliards d’euros chaque année. Une manne qui semble donc bien maigre par rapport aux autres activités du pays puisque le Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur (CRECA) a calculé que la Russie a exporté environ 100 milliards d’euros de gaz, de pétrole et de charbon. depuis le début de la guerre en Ukraine le 24 février.
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Et les arguments des dirigeants du G7 n’ont pas convaincu tout le monde. « Ce chiffre de 19 milliards est tiré d’un chapeau qui fuit. Traditionnellement, le commerce de l’or est l’un des plus opaques au monde, il est très difficile à tracer et une partie de l’or est achetée par des pays qui refusent les sanctions (Chine, Inde, Singapour, Indonésie). L’impact de ces sanctions ne devrait donc pas dépasser 5 milliards, voire beaucoup moins », rétorque Jacques Sapir, économiste et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).
D’autant plus que le rôle de l’or dans les exportations russes devient également de moins en moins important. « La Russie est l’un des premiers producteurs d’or au monde, mais ses exportations ont chuté [en quelques années] de 20 milliards de dollars à moins de 10 milliards de dollars par an », estime sur Twitter Elina Ribakova, économiste de l’Institute of International Finance (IIF).
Asphyxie des finances russes : mission impossible ?
La Russie a en effet décidé ces dix dernières années de freiner ses exportations d’or pour accumuler le métal précieux afin de « diversifier ses réserves en dehors des stocks de devises des autres pays, par crainte de sanctions sur le dollar américain », précise l’économiste du IIF.
4/ Le passage à l’or a également aidé la Banque de Russie à déplacer ses réserves à terre. C’est pourquoi toutes les réserves de la Russie ne pourraient pas être gelées. pic.twitter.com/yYMxV4BETy
— Elina Ribakova 🇺🇦 (@elinaribakova) 26 juin 2022
La Russie constitue des stocks. Selon le World Gold Council (WGC), il détient 2 000 tonnes d’or, soit l’équivalent de 132 milliards d’euros alors que sa dette totale avoisine les 255 milliards. Cette thésaurisation visait à renforcer son économie et à la rendre moins dépendante des autres pays. En réponse, le gouvernement britannique affirme que ce nouvel embargo aura « un impact énorme sur la capacité de Poutine à lever des fonds ». Un point que partage Elina Ribakova. « Cette diversification lui a permis de limiter le gel de ses avoirs provoqué par les sanctions. Pour l’instant la Russie, inondée de devises étrangères grâce au pétrole, n’a pas besoin de vendre son or mais cela pourrait être le cas à l’avenir », ajoute l’expert.
Depuis mai dernier, la Russie n’est plus en mesure de rembourser ses dettes avec ses réserves en dollars. Elle doit donc officiellement payer ses créanciers en roubles, qui les convertissent ensuite en monnaie américaine ou en euros. Dans ce contexte, à quoi sert l’or ? Si le rouble venait à s’effondrer, la Banque centrale de Russie pourrait vendre une partie de son métal précieux contre des roubles pour faire monter le prix de sa monnaie et ainsi rembourser sa dette.
C’est ce dernier processus que le G7 souhaite saper, mais sans réelle conviction puisque cet embargo ne concerne que le métal nouvellement extrait et non les anciens contrats de propriété sur l’or russe. La banque centrale russe pourrait donc vendre ses stocks d’or – actuellement équivalents à la moitié du montant de sa dette – avec l’idée d’en rembourser une partie, avant de se retrouver en défaut de paiement à cause des sanctions internationales. Jacques Sapir précise également que la faillite de la Russie est très peu probable puisque le pays de Poutine « aura un excédent d’exportation de 160 milliards d’euros pour 2023. Si les États-Unis voulaient réduire les exportations russes, ils mettraient un embargo sur les engrais russes, mais ils savent ce serait très préjudiciable à leur agriculture, alors ils ne le feront pas.
Un impact négligeable sur le prix de l’or
Avec 331 tonnes extraites en 2021 du pays, soit 9,5 % de la production mondiale selon le World Gold Council (WGC), un embargo sur les exportations d’or russe va-t-il faire flamber le prix du métal jaune ? ? Mais ces nouvelles mesures n’ont pas pour l’heure effrayé les marchés financiers et l’once d’or stagne toujours à 1 830 dollars (1 730 euros) ce lundi 27 juin. « Le marché de l’or est bien approvisionné. Le fait qu’il y ait moins d’or russe peut rééquilibrer un peu le marché et le resserrer un peu mais il n’y a pas de hausse pour le moment car la Chine et l’Australie sont encore de très gros fournisseurs », explique Alexandre Baradez, responsable des analyses de marché chez IG France. L’or ne s’épuisera pas contrairement au gaz ou au blé.
Pour ce spécialiste, la Russie continuera de vendre officieusement son or à l’Inde et à la Chine mais « cela deviendra un peu plus difficile car ces pays seront exposés au risque de sanctions de la part des Etats-Unis ». Si pour l’instant, les annonces du G7 n’ont pas eu d’impact notable, « il peut y avoir des effets différés mais si le dollar perd du terrain et si la tension sur les taux des banques centrales s’apaise, l’or pourrait remonter car c’est une valeur refuge » , prévient Alexandre Baradez qui estime toutefois qu’un rallye de l’or ne résulterait pas forcément de cet embargo mais plutôt d’une forte demande.
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