La patience légendaire des archéologues et des paléontologues pour faire parler les pierres et les plus infimes traces du passé est bien connue. Celle des astrophysiciens n’a désormais plus rien à leur envier. Parmi les 5,4 grammes d’échantillons ramenés en décembre 2020 de l’astéroïde Ryugu par la sonde Hayabusa-2 de l’agence spatiale japonaise, deux minuscules inclusions de moins de 100 micromètres de large ont retenu l’attention de ces fins limiers, principalement franco-japonais.
Elles contiennent des traces d’un nouveau composé chimique capable de combler le fossé entre les origines du système solaire et celles de la vie sur Terre. Fiers de leur découverte, ils ont même inventé un nom pour leur minéral : HAMP, pour « hydrate d’ammonium, de magnésium et de phosphore oxydé ». Ce qui mérite quelques explications.
Ryugu est un astéroïde de moins d’un kilomètre de large, en forme de diamant, plus noir que le charbon, très poreux et en orbite entre 140 et 210 millions de kilomètres du Soleil. Les premières études ont montré que sa composition est similaire à celle des météorites et qu’il se serait formé dans les premiers millions d’années du Système solaire, il y a plus de quatre milliards d’années.
« Nous sommes en présence d’une matière primitive, peu altérée, contrairement aux météorites qui ont traversé l’atmosphère. Leur matière est pour nous une terra incognita, riche en découvertes »explique Cédric Pilorget, enseignant-chercheur à l’Institut d’Astrophysique Spatiale (IAS) du CNRS et de l’Université Paris-Saclay, co-auteur de l’article publié le 25 septembre dans Astronomie de la nature.
Compétition chimique
Mais ces astéroïdes ont aussi quitté leurs orbites lointaines pour bombarder les planètes en formation, leur apportant une collection d’éléments chimiques précieux, comme des molécules d’eau, de carbone, d’azote, de silicium, ou plus complexes, comme les acides aminés (les composants des protéines)…
Et peut-être aussi du phosphore, qui est non seulement indispensable à l’émail des dents, mais aussi à des molécules plus fondamentales, l’ADN, l’ARN, l’ATP (qui fournit l’énergie aux cellules)… Le problème est que ce phosphore, déjà présent dans les météorites, est généralement sous une forme peu soluble, et donc peu propice aux réactions chimiques et à la production de toutes ces molécules indispensables à la vie.
L’importance des HAMP apparaît alors clairement. Sous cette nouvelle forme oxydée (les chercheurs n’ont pas pu déterminer à combien d’atomes d’oxygène il est lié), le phosphore est plus soluble, et donc plus réactif. Beaucoup plus que le phosphore lié au calcium. Sa réactivité est rendue possible par le magnésium, l’eau et l’ammonium, un atome d’azote lié à quatre atomes d’hydrogène.
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La patience légendaire des archéologues et des paléontologues pour faire parler les pierres et les plus infimes traces du passé est bien connue. Celle des astrophysiciens n’a désormais plus rien à leur envier. Parmi les 5,4 grammes d’échantillons ramenés en décembre 2020 de l’astéroïde Ryugu par la sonde Hayabusa-2 de l’agence spatiale japonaise, deux minuscules inclusions de moins de 100 micromètres de large ont retenu l’attention de ces fins limiers, principalement franco-japonais.
Elles contiennent des traces d’un nouveau composé chimique capable de combler le fossé entre les origines du système solaire et celles de la vie sur Terre. Fiers de leur découverte, ils ont même inventé un nom pour leur minéral : HAMP, pour « hydrate d’ammonium, de magnésium et de phosphore oxydé ». Ce qui mérite quelques explications.
Ryugu est un astéroïde de moins d’un kilomètre de large, en forme de diamant, plus noir que le charbon, très poreux et en orbite entre 140 et 210 millions de kilomètres du Soleil. Les premières études ont montré que sa composition est similaire à celle des météorites et qu’il se serait formé dans les premiers millions d’années du Système solaire, il y a plus de quatre milliards d’années.
« Nous sommes en présence d’une matière primitive, peu altérée, contrairement aux météorites qui ont traversé l’atmosphère. Leur matière est pour nous une terra incognita, riche en découvertes »explique Cédric Pilorget, enseignant-chercheur à l’Institut d’Astrophysique Spatiale (IAS) du CNRS et de l’Université Paris-Saclay, co-auteur de l’article publié le 25 septembre dans Astronomie de la nature.
Compétition chimique
Mais ces astéroïdes ont aussi quitté leurs orbites lointaines pour bombarder les planètes en formation, leur apportant une collection d’éléments chimiques précieux, comme des molécules d’eau, de carbone, d’azote, de silicium, ou plus complexes, comme les acides aminés (les composants des protéines)…
Et peut-être aussi du phosphore, qui est non seulement indispensable à l’émail des dents, mais aussi à des molécules plus fondamentales, l’ADN, l’ARN, l’ATP (qui fournit l’énergie aux cellules)… Le problème est que ce phosphore, déjà présent dans les météorites, est généralement sous une forme peu soluble, et donc peu propice aux réactions chimiques et à la production de toutes ces molécules indispensables à la vie.
L’importance des HAMP apparaît alors clairement. Sous cette nouvelle forme oxydée (les chercheurs n’ont pas pu déterminer à combien d’atomes d’oxygène il est lié), le phosphore est plus soluble, et donc plus réactif. Beaucoup plus que le phosphore lié au calcium. Sa réactivité est rendue possible par le magnésium, l’eau et l’ammonium, un atome d’azote lié à quatre atomes d’hydrogène.
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