Chaque samedi, nous décryptons les enjeux climatiques avec François Gemenne, professeur à HEC, président du Conseil scientifique de la Fondation pour la Nature et l’Homme et membre du GIEC.
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Pour François Gemenne, le gouvernement devra relever un défi pour poursuivre la transition écologique les caisses vides, car « la transition est avant tout une question d’investissement »dit-il. Le rapport rédigé l’année dernière par les économistes Selma Mahfouz et Jean Pisani-Ferry, qui a recueilli un large consensus, évalue les besoins d’investissement de la France à 66 milliards d’euros chaque année. La Commission européenne estime les besoins d’investissement du Green Deal à environ 3,5% du PIB européen chaque année, “ce sont des sommes considérables”, insiste le professeur.
Et il rappelle que Mario Draghi, l’ancien Premier ministre italien, ancien président de la Banque centrale européenne, l’a dit clairement dans son récent rapport sur l’avenir de l’économie européenne : il faut investir massivement, notamment dans les énergies renouvelables, sinon les entreprises européennes auront aucune chance face à leurs rivaux asiatiques et américains. “C’est une question existentielle pour l’économie européenne”insiste-t-il.
franceinfo : Que peut faire un État quand les finances sont dans le rouge ? Est-ce qu’il emprunte ?
François Gémenne : C’est ce que préconise Mario Draghi, tout comme Selma Mahfouz et Jean Pisani-Ferry, mais politiquement c’est très compliqué : de nombreux pays sont très réticents à l’idée d’un emprunt européen, à commencer par l’Allemagne et les pays scandinaves. Et en France vous connaissez très bien les débats que cela suscite. Mais ne rien faire n’est pas une option, il faudra donc trouver des solutions ailleurs. Et l’une de ces solutions est de faire appel au secteur privé pour trouver l’argent.
Pourquoi devrait-il appartenir au secteur privé de financer la transition ?
En fait, c’est très rentable, la transition.
« Les investissements socialement responsables (ISR) offrent aujourd’hui des taux de rendement tout à fait comparables aux investissements traditionnels. »
François Gémennesur franceinfo
Or, les économies sont énormes en France, entre 6 000 et 8 000 milliards d’euros. Rien que pour l’assurance vie, qui est le placement préféré des Français, nous avons des encours de l’ordre de 1 800 milliards d’euros. Il est évidemment un peu difficile d’imaginer ces montants, mais pour donner un ordre de comparaison, c’est à peu près l’équivalent de la somme des investissements totaux dans les énergies décarbonées en 2023, pour le monde entier. Il y a donc vraiment moyen de faire beaucoup de choses avec ces économies, dont une toute petite fraction suffirait à financer la transition.
Mais pourquoi ne le faisons-nous pas, alors ? Tout cet argent est-il dans les banques ?
L’argent ne dort pas, bien sûr. L’épargne finance les entreprises et l’économie dans son ensemble. Mais il finance aussi, en partie, l’économie fossile. Une part considérable de cette épargne finance des projets de forage pétrolier ou gazier, ou de déforestation… souvent à l’insu des épargnants, qui sont souvent très peu intéressés par ce que finance leur épargne. Et souvent, les banques ne les aident pas beaucoup à s’y intéresser.
Cet argent pourrait donc financer la transition ?
Exactement. D’abord, de nouveaux acteurs bancaires apparaissent sur le marché, avec de nouveaux investissements, pour réorienter l’épargne individuelle vers la transition. Et puis il y a les fonds ISR, dont on vient de parler, qui sont aussi censés fournir des ressources pour la transition. Le problème est que nous n’y souscrivons pas suffisamment.
Pourtant vous dites qu’ils sont rentables ?
C’est également lié à un problème de confiance, et la confiance est importante pour l’investissement. On imagine parfois que ces fonds sont moins rentables, et qu’en y souscrivant, c’est un peu comme donner de l’argent à une association. Nous nous méfions également de ce qu’il y a à l’intérieur. Et c’est vrai que, jusqu’à la réforme des fonds ISR l’année dernière, on y trouvait parfois n’importe quoi. Heureusement, la réforme a mis un peu d’ordre dans tout cela. Le symbole de ce manque de confiance, pour moi, c’est que même les fondations d’utilité publique ne vous y abonnez pas.
De nombreuses grandes fondations, qui remplissent des missions d’utilité publique, les fondations caritatives par exemple, ont des investissements financiers qui ne sont pas du tout en adéquation avec leurs missions. Et cela représente pas mal d’argent, environ 40 milliards d’euros. Il existe de grandes fondations, valant plus de 500 millions, comme les fondations Bettencourt et Carasso, et de nombreuses petites, regroupées au sein de la Fondation de France et de l’Institut de France. Eh bien, selon les chiffres du cabinet Axylia, spécialisé dans ces investissements, 85 % des actifs de ces fondations ne font pas l’objet d’investissements engagés. Les actifs intégrant les enjeux climatiques ne représentent que 23% des portefeuilles.
Concrètement, ces fondations financent-elles des investissements contraires à leur finalité sociale ?
Justement, on marche sur la tête. Par manque d’information, par manque de confiance… Si cette chronique peut faire bouger un peu les lignes, nous n’aurons pas perdu notre temps !
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