Un lac infesté de munitions dans les Vosges attend d’être libéré

Quatre-vingts ans après la Libération, le lac de Gérardmer dans les Vosges cache encore dans ses profondeurs plusieurs dizaines de tonnes de munitions des deux guerres mondiales.

A 660 mètres d’altitude, en pleine montagne et à proximité d’un charmant village, le lac de Gérardmer est apprécié des touristes qui s’y baignent en été. Son eau est ponctuellement captée pour être redistribuée dans le réseau d’eau potable de la ville.

Mais non loin des zones de baignade sont enterrés toutes sortes d’explosifs datant de la Première et de la Seconde Guerre mondiale.

Ces déchets se comptent par milliers en France, selon l’association Robin des Bois, la première à avoir dressé un inventaire national, en 2001.

Entre 1977 et 1994, 12 campagnes de déminage ont eu lieu dans le lac, suite à un accident au cours duquel un homme s’est brûlé avec une grenade au phosphore.

Le nettoyage a été effectué entre zéro et dix mètres de profondeur au bord du lac, a expliqué à l’AFP Pierre Imbert, adjoint au maire et ancien chef de la caserne des pompiers de la ville.

Cet ancien plongeur se souvient : « 120 tonnes de munitions ont été retirées, ce qui représente environ 100 000 pièces de munitions diverses de 14-18 et 39-45. »

– Déposé en secret –

Lorsque les démineurs allaient récupérer ces munitions, ils les ramenaient à la surface puis « séparaient le détonateur des charges explosives et allaient les faire exploser au bout du lac », se souvient M. Imbert.

Sur les photographies qu’il a conservées, on peut voir « des grenades artisanales de 1914-1918, ou des choses plus récentes de 1939-1945 et même une petite hache ».

Les campagnes ont pris fin car elles auraient été plus difficiles loin du rivage et plus profondément sous la vase, selon un courrier de la préfecture adressé à Robin des Bois, qui estime qu’il reste encore 70 tonnes immergées à Gérardmer.

Pour M. Imbert, “on ne peut pas estimer la quantité de munitions qui restent enfouies” jusqu’à 30 mètres de profondeur.

Aurélie Mathieu, présidente de l’association d’écotourisme AKM dans les Vosges, prône pour “dépolluer tout ce qui se trouve sur le bord” du lac, transporté par les courants notamment.

Des décennies après que l’armée française a déposé ces munitions, qui demandait à ses soldats de le faire de nuit, en secret, des échantillons prélevés en 2023 par une association, Odysseus 3.1, ont montré que ces armes généraient de la pollution.

Lors d’une plongée, Odysseus 3.1 a découvert des grenades, certaines “intactes”, d’autres “éventrées, libérant les explosifs qu’elles contenaient”, a expliqué son fondateur, Lionel Rard, dans le documentaire “Vert de Rage” diffusé en mai sur France 5.

– Taux de TNT élevé –

Les résultats des échantillons, envoyés à un laboratoire en Allemagne, montrent des niveaux de TNT parmi « les plus élevés jamais mesurés par l’équipe de chercheurs allemands » ainsi que des concentrations de « fer, plomb, titane au-delà des normes », selon le programme.

Informée de ces résultats, la maire, Stessy Speissmann-Mozas, a contacté l’Agence régionale de santé (ARS) et la préfecture des Vosges. “Ni l’ARS Grand Est ni l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, ndlr) n’ont été impliquées dans ces investigations, et nous n’avons pas de précisions sur les méthodes de prélèvement et d’analyse utilisées”, a précisé la préfecture à l’AFP.

Une nouvelle campagne de prélèvements a été lancée en février par les services de l’Etat, “impliquant plusieurs laboratoires français et allemands”. “Les premiers résultats ont confirmé les conclusions des précédentes campagnes : aucune teneur préoccupante n’a été détectée”, selon la préfecture, qui précise qu’à ce jour “aucun risque sanitaire n’a été identifié” ni pour la consommation humaine ni pour la baignade.

Malgré ces résultats, le maire souhaite un changement dans la réglementation régissant l’eau potable : « S’il y a un danger pour la population avec cette molécule (le TNT, ndlr), il faut un changement législatif pour que cela soit pris en compte et testé dans la qualité de l’eau. »

Une entreprise a spontanément proposé ses services pour cartographier et identifier les déchets. Un travail coûtant “près de 300 000 euros” qui pourrait être intéressant… s’il était financé par l’Etat, précise l’élu, rappelant que “c’est l’armée française qui a déposé ces munitions”.

mlx/barre/hj

Anna

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