Un retour critiqué, des singles mal classés… comment Katy Perry est devenue une paria de la pop

Retour contrarié. La sortie du nouvel album de Katy Perry, ce vendredi 20 septembre, s’annonce sous les pires auspices. Des morceaux dévoilés aux clips qui les accompagnent, tout ce qui émane jusqu’ici de cet album, intitulé 143, a été assailli par un flot de critiques mortelles dans la presse – et de moqueries tout aussi mortelles sur les réseaux sociaux.

Les temps ont cruellement changé pour l’Américaine de 39 ans. En 2010, sa pop ultra sucrée avait fait de Katy Perry l’un des noms les plus reconnaissables de la musique mondiale. Quatorze ans plus tard, aucun des deux singles sortis avant 143 (Le monde des femmes Et Durée de vie) n’a pas réussi à entrer dans le Top 60.

L’échec est d’autant plus cuisant que la plupart des pop stars de sa génération – Lady Gaga, Beyoncé et Taylor Swift – n’ont fait que gagner en puissance depuis qu’elle était à leurs côtés au sommet des charts.

“Chacun de ces artistes a réussi à se réinventer”, analyse pour BFMTV.com Guillaume Moglia, alias Popslay, youtubeur spécialisé dans la musique pop suivi par 131 000 abonnés. “C’est peut-être ce qui manquait à Katy Perry ces dernières années.”

Si le show-business américain ne manque pas de gloires passagères, rares sont les chanteuses dont l’éclat a été aussi tristement terni après avoir brillé autant que Katy Perry. Le résultat d’une décennie de direction artistique hasardeuse, de difficultés à s’adapter aux transformations de la scène pop… et de gaffes que le public ne pardonne plus.

L’étoile d’hier

Pourtant, à une époque, Katy Perry a réalisé des scores qu’aucune femme avant elle n’avait réussis. Née en 1987 en Californie de deux parents pasteurs, Katherine Hudson a fait ses premiers pas dans la musique en 2001 avec un album de rock chrétien qui est passé inaperçu. Elle a connu son premier succès sept ans plus tard, sous le pseudonyme de Katy Perry, grâce à J’ai embrassé une filleA mille lieues des chants d’église, l’artiste embrase les Etats-Unis avec ce titre qui raconte sa découverte de l’amour saphique. La chanson reste sept semaines en tête du hit-parade.

Nouveau visage du pop-rock provocateur, Katy Perry devient enfin une superstar avec l’album Rêve d’adolescenten 2010. Un disque rempli d’hymnes pop énergisants, qu’elle illustre à coups de perruques multicolores, de tenues extravagantes, d’humour potache et de clips déjantés. Une recette gagnante à l’heure où les stars américaines rivalisent d’excentricité, dans le sillage de l’apparition retentissante de Lady Gaga.

Cet album lui permet même d’entrer dans l’histoire, en devenant la première artiste féminine à avoir cinq singles d’un même album en tête des charts. Jusqu’alors, seul Michael Jackson lui-même avait réussi un tel exploit (en 1987, avec Mauvais).

« À cette époque, Katy Perry était un énorme phénomène », se souvient pour BFMTV.com Sarah Dahan, auteure du livre ‘Divas, les plus grandes icônes de la pop’ (Huginn & Muninn, 2021).

« Elle a eu des succès à foison et elle a joué sur son image. Elle incarnait la fille un peu décalée, belle mais drôle, sexy sans être écœurante. Celle qui plaît autant aux filles qu’aux garçons. »

Mais la scène pop évolue en moins de temps qu’il n’en faut pour faire un tube, et c’est peut-être là que réside le problème : « Je pense qu’elle est restée un peu coincée pendant ces années-là. Elle n’a jamais su se mettre à jour. »

Le grand maladroit

Cela se traduit par une forme d’incapacité à prendre le pouls du monde qui l’entoure, à une époque où les enjeux sociétaux sont pourtant plus omniprésents que jamais dans le paysage pop.

En 2013, alors que le grand public commence à se familiariser avec le concept d’appropriation culturelle, Katy Perry se produit aux American Music Awards avec un maquillage de geisha. Malgré les critiques, elle réitère l’exploit l’année suivante avec des tresses collées, une coiffure issue des cultures africaines, pour le clip de C’est comme ça que nous faisonsNouveau tollé… qui ne l’empêche pas de récidiver, avec la même coiffure publiée sur Instagram en 2017.

Les gaffes s’accumulent et, à l’heure où chaque jour apporte son lot de polémiques sur Twitter, la spontanéité maladroite de la chanteuse ne lui laisse aucun répit. Les problèmes de santé mentale gagnent-ils du terrain dans le débat public ? Katy Perry se moque du crâne rasé de Britney Spears dans une interview. L’affaire Weinstein explose, entraînant une réflexion mondiale sur la notion de consentement ? Katy Perry vole un baiser à une toute jeune candidate d’un concours de talents Idol américaindont elle est alors jurée.

« Ces incidents ont certainement contribué à ternir son image publique », note Guillaume Moglia.

« Elle a donné l’image d’une artiste en décalage avec les attentes de la société », poursuit-il. « Mais je doute que ce soit la seule raison de son déclin. »

Et pour cause : à cette époque, Katy Perry venait de sortir Témoinson cinquième opus est sorti en juin 2017. L’album, s’il devient le troisième album consécutif de la chanteuse à se classer en tête des ventes, est aussi le premier de sa discographie à ne générer aucun single numéro 1. Il est d’ailleurs considéré par de nombreux observateurs comme celui qui lui a coûté son titre de superstar.

Virage risqué

En amont de la sortie de l’album, Katy Perry avait annoncé qu’il s’agirait d’une “pop consciente”. “Artiste. Activiste. Consciente”, pouvait-on lire sur sa bio Twitter. Ses longs cheveux noirs, signature de sa jeunesse, avaient disparu pour laisser place à une coupe garçonne teinte au peroxyde. Quelques années après avoir cartonné avec des tubes de fête et des clips où elle dansait en bikini entourée de nuages ​​de barbe à papa, Katy Perry annonçait un virage expérimental et politisé.

Cette envolée, qui n’était pas sans risque pour une pop star abonnée aux titres légers, elle l’attribuait alors au climat américain. Après avoir activement soutenu Hillary Clinton lors de la campagne présidentielle de 2016, Katy Perry avait vu le candidat démocrate échouer face à Donald Trump.

« Ce fut une révélation, un réveil », confiait-elle au New York Times dans un portrait où elle multipliait les mots-clés, laissant l’impression d’une pop star un peu déconnectée qui avait reçu son éducation politique sur les réseaux sociaux : « safe space », « libération », « émancipation »…

Sur le papier, Katy Perry était tout indiquée : au milieu des années 2010, les questions liées à la lutte pour les droits des femmes et des minorités étaient au cœur des discours des pop stars. En 2014, Beyoncé a fait sensation aux MTV VMA Awards en se produisant devant un écran géant sur lequel était inscrit le mot « FEMINIST » en lettres capitales. Mais quelque chose n’allait pas dans la manière dont Katy Perry abordait ces questions :

« Elle essayait de se donner une image de militante, sans que cela paraisse authentique aux yeux de certains, se souvient Guillaume Moglia. Une partie du public trouvait qu’elle se prenait trop au sérieux. »

Une pop (pas si) « consciente »

Le message est devenu confus lorsque les fans ont découvert les singles de Témoinpas très chargé politiquement. En plus Enchaîné au rythme (une chanson sur « le réconfort des masses face aux injustices du monde », résume Guillaume Moglia), la nouvelle pop de Katy Perry s’avère alors moins « consciente » qu’annoncée : la chanteuse se présente comme un repas à dévorer de manière très sexy Profitez de votre nourriturerègle ses comptes avec son rival Taylor Swift sur Swish, swish… réservant finalement ses engagements sociaux à la promotion.

Au milieu de ce marasme, Katy Perry a continué à démontrer sa propension à faire des gaffes. Par exemple, lorsqu’elle a invité le trio Migos pour un featuring sur Profitez de votre nourritureLe public s’est indigné de cette collaboration avec ce groupe de rap pointé du doigt pour des propos jugés homophobes quelques mois plus tôt. Une invitation effectivement perturbante pour une pop star particulièrement appréciée par la communauté LGBT, d’autant plus à l’heure où elle place son éveil politique au cœur de sa communication.

En 2018, lorsque le chapitre indéniablement chaotique qui a été Témoin est terminée, Katy Perry a parlé de ce projet mixte dans les colonnes de Vogue Australia :

« Je vois la réaction du public comme une sorte de validation, et le public n’a pas réagi comme je l’espérais… ce qui m’a brisé le cœur. »

En 2020, Katy Perry tente de conjurer le mauvais sort avec Sourireun sixième album qui passe presque inaperçu. L’album entre difficilement dans les charts américains à la 5ème place, après des années au sommet. La pandémie de Covid-19 coupe court à toute tentative de promotion et le sort de Katy Perry semble tristement scellé… jusqu’à aujourd’hui.

Un retour compliqué

La chanteuse a lancé son retour en juillet dernier, lorsqu’elle a sorti le clip du single Le monde des femmesVisuellement, on retrouve l’ambiance de ses premiers grands succès : l’esthétique est soignée, l’attitude oscille entre sexy et loufoque. Musicalement, Katy Perry espère livrer un hymne dansant et féministe, une ode joyeuse au pouvoir des femmes. Et elle y parvient douloureusement.

Rarement la presse musicale n’aura été aussi impitoyable avec un comeback. Les critiques fusent de partout : « Qu’est-ce que cet enfer réchauffé et régressif ? » s’interroge le Guardian, qui perçoit un « message féministe à connotation patronne « Ce message très vague d’émancipation féministe, qui aurait pu fonctionner en 2014, ne suffit plus en 2024 », dénonce Vulture.
A propos de la vidéo, dans laquelle elle délivre son appel à l’émancipation féminine tout en apparaissant plus séduisante que jamais, Katy Perry a expliqué deux jours plus tard avoir tenté de lui faire un pied de nez. Invoquant le « sarcasme », elle assure avoir voulu représenter la schizophrénie d’un discours qui encourage les femmes « à se débarrasser des attentes du regard masculin » tout en les condamnant si elles n’y répondent pas. « Beaucoup de téléspectateurs ont eu le sentiment qu’elle perpétuait ce regard masculin », balaie l’article. Tuteur.

« Elle revient comme si on était encore en 2010, acquiesce Sarah Dahan. La chanson est maladroite, elle évoque le féminisme à grands coups de sabots, elle enchaîne les mots clés comme ‘sexy’, ‘sûreté de soi’, ‘féminin sacré’… »

“Mais le vrai problème de ce come-back, c’est qu’elle délivre un hymne au pouvoir des femmes produit par Dr. Luke.” La présence du producteur déchu est en effet l’une des principales critiques que Katy Perry a dû essuyer ces dernières semaines. Ce musicien américain, qui a travaillé sur ses plus grands tubes à une époque où toutes les grandes stars de la pop se disputaient sa place, est devenu persona non grata lorsque la chanteuse Ke$ha l’a accusé de viol en 2014. “Cette décision de faire appel à lui pour produire ses nouvelles chansons est incompréhensible”, poursuit Sarah Dahan. “Six ans après #MeToo, les attentes du public ne sont plus les mêmes.”

Le deuxième single, Durée de vieUn titre dance qui aurait pu avoir sa chance en 2013, lorsque les artistes pop se déchaînaient avec des chansons adaptées aux clubs, ne fait même pas partie du Top 100. Une fois de plus, Katy Perry est à des années de retard. « Elle a un talent indéniable, c’est gâché. »

Et si…?

Cependant, tout n’est pas perdu. Je suis à lui, il est à moitroisième single de 143a reçu un accueil beaucoup plus chaleureux que ses prédécesseurs sur les réseaux sociaux. « Je ne sais pas qui gère le retour de Katy Perry, mais cette chanson aurait dû être le premier single. C’est du feu ! », a commenté un utilisateur de YouTube.

Sans compter qu’à Hollywood, il n’y a pas de date d’expiration. “Cher a réussi à décrocher un numéro 1 avec Croire en 1999, la première depuis 1974 », se souvient Guillaume Moglia.

Il reste néanmoins prudent quant à l’album qui sort aujourd’hui. « Ses singles de 2011 génèrent actuellement plus de streams que ceux qu’elle a sortis cette année. 143 ça a l’air compliqué.”

Article original publié sur BFMTV.com

Anna

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