une année à oublier dans le vignoble jurassien

Ils s’attendent à perdre entre 60 et 70% de leur récolte, parfois plus : pour les vignerons jurassiens, le millésime 2024 devrait produire des vins de bonne qualité mais en quantité très insuffisante, mettant certaines exploitations en difficulté.

Sécateur en main, Benoît Sermier part à la recherche de raisins sur ses vignes. Sur une parcelle au pied des coteaux, sur les hauteurs de Domblans, il a planté du savagnin, cépage typique du vignoble jurassien, mais après une année de météo “compliquée”, les fruits se font rares.

“En temps normal, je suis sur un pied qui produit deux toutes petites grappes, alors que dans une année classique, on aurait au moins 15 grappes. C’est vraiment peu”, déplore-t-il en ce premier jour de vendanges.

En 2023, les vendanges ont eu lieu fin août. Si elles sont si tardives cette année, débutant en moyenne vers le 10 septembre, c’est à cause d’un épisode de gel qui a causé de nombreux dégâts, et retardé la floraison : entre le 22 et le 25 avril, les températures nocturnes sont tombées à -1°C, parfois -2°C.

– Pas beaucoup de stock –

Au milieu du printemps, « la vigne avait déjà poussé de trois ou quatre centimètres, c’était le début de la végétation, avec deux feuilles ouvertes », explique le vigneron de 33 ans en montrant un sarment.

« C’étaient des feuilles très fines, fragiles, et les températures négatives les ont brûlées tout de suite : cela nous a fait perdre 60 % de la récolte. »

D’autres épisodes de gel printanier avaient déjà été enregistrés en 2017, 2019 et 2021. À chaque fois, plus de la moitié de la capacité de production avait été perdue.

“Cela commence à être sérieusement embêtant pour les exploitations, notamment les jeunes qui viennent de s’installer”, prévient celui qui est également président de la cave coopérative “Fruitière vinicole d’Arbois”, qui regroupe 85 vignerons. “Ils ont besoin de vendre du vin pour vivre, mais les années précédentes ne leur ont pas permis de constituer beaucoup de stocks”.

Selon l’exposition ou l’altitude des parcelles, les quelque 220 exploitations jurassiennes n’ont pas toutes été touchées de la même manière.

Pour Benoît Sermier et son frère Mathieu, qui ont repris et agrandi ensemble le domaine familial, même si le pire a été évité, ils ont dû réduire leurs équipes.

« Normalement, nous sommes 35 à 40 dans les rangs. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que 12 à être licenciés, il y a une grosse différence. Le Jura embauche beaucoup moins cette année », concède-t-il.

– “De mémoire de vigneron…” –

Après plus de quatre heures d’efforts à remonter les pentes avec des seaux de plusieurs kilos, le déjeuner, arrosé d’un Arbois Trousseau 2020, médaillé d’argent au concours général agricole, offre un répit bienvenu aux vendangeurs. Autour de la table déployée au pied du camion, ils profitent d’un des rares rayons de soleil de l’année.

« Depuis octobre, nous avons eu des conditions météo très difficiles, avec de la pluie et du vent », raconte Patrick Rolet, vigneron et éleveur bio à Cramans, en revenant sur les douze derniers mois. « Imaginez être dehors toute la journée avec 20, 30 millimètres de pluie, et jusqu’au 15 juillet comme ça… C’était tous les trois ou quatre jours qu’il fallait recommencer les traitements, surtout en bio. De mémoire de vigneron, je ne sais pas si nous avons déjà eu autant de précipitations. »

Ces précipitations et l’humidité persistante dans les vignes ont également facilité la propagation du mildiou, qui a ravagé de nombreuses parcelles. Pour de nombreux professionnels, il a fallu soigner les vignes contre ce champignon pour sauver les raisins… de 2025.

“Nous sommes face à une perte historique depuis 25 ans”, résume pour l’AFP Olivier Badoureaux, directeur du Comité interprofessionnel des vins du Jura. “Une bonne récolte, c’est autour de 80.000 hectolitres. Cette année, si on en fait entre 25 et 30.000, ce sera déjà bien. Heureusement, la qualité devrait être là.”

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