Une bibliothèque muséale unique vous ouvre grand les portes du savoir à Carpentras, en Provence

La collection Inguimbertine comprend près de 100 000 livres papier ou numériques prêtés au grand public, ainsi que 1 200 peintures, 500 statues et 3 400 manuscrits, dont des centaines enluminés à la main.

France Télévisions – Culture Edito

Publié


Mise à jour


Temps de lecture : 4 min

Des visiteurs regardent des œuvres d'art dans la Bibliothèque-Musée Inguimbertine de Carpentras, dans l'ancien Hôtel-Dieu de Carpentras, à Carpentras, le 19 avril 2024. (SYLVAIN THOMAS / AFP)

Une bibliothèque-musée unique en France, l’Inguimbertine, a ouvert ce week-end à Carpentras, en Provence, proposant une immersion dans un monde où livres et peintures, jeux vidéo et manuscrits du Moyen Âge interagissent, dans une majestueuse bâtisse du XVIIIe siècle. siècle.

« Nous avons cherché à combiner les connaissances, à lire au musée et à montrer à la bibliothèque. » expliquent les architectes de l’Atelier Novembre qui ont piloté le développement de cette institution dans l’ancien Hôtel-Dieu de cette commune du sud de la France.

Malachie d’Inguimbert et sa bibliothèque du musée de 1745

De la précieuse stèle antique de Taba, découverte à Memphis en Egypte et prêtée pour quelques mois au British Museum, aux manuscrits rares, comme une Bible vaudoise sur parchemin enluminé dont il n’existe que sept exemplaires dans le monde, dont des peintures persanes, la richesse des collections « est jugé hors d’échelle pour une commune d’un peu plus de 30 000 habitants »remarque le directeur du musée, Jean-Yves Baudouy.

La collection Inguimbertine comprend 1 200 peintures, 500 statues et 3 400 manuscrits, dont des centaines enluminés à la main. Un trésor que cette ville doit à son passé d’État papal (du XIIIe au XVIIIe siècle), où résidèrent un temps les papes, mais surtout à l’un de ses enfants, Malachie d’Inguimbert (1683-1757). Aîné d’une famille nombreuse, il devient prêtre et part à Rome pendant 26 ans. Il entre au service d’un cardinal qui deviendra le pape Clément XII. Nommé évêque dans sa ville natale, cet humaniste, convaincu que le savoir se transmet autant par les images – dessins, peintures – que par l’écriture, ouvre au public son musée-bibliothèque en 1745.

Un air d’Italie

Pour lui, une bibliothèque n’accueille pas seulement des livres mais doit être «le temple des muses » (arts), concept plus répandu en Italie qu’en France. Il y a aussi un air italien dans le musée actuel, car à l’époque, rappelle M. Baudouy, Carpentras et le Comtat Venaissin, cet Etat rattaché à Rome, « étaient une terre de transmission de la culture italienne en France ».

Dans le nouveau musée situé dans l’ancien Hôtel-Dieu, que d’Inguimbert fit construire pour soigner les pauvres, le visiteur, après avoir gravi l’escalier d’honneur, se replonge dans l’atmosphère de cette bibliothèque du XVIIIe siècle.

Dans une pièce à la lumière tamisée, des livres anciens tapissent les murs dans des coffrets d’époque, décorés de tableaux. De précieux manuscrits peuvent être feuilletés virtuellement. Une partie de la collection de dessins animaliers et de livres de Nicolas-Claude Fabri de Peiresc (1580-1637), astronome et scientifique provençal parmi les plus renommés de son époque en Europe, est également exposée. D’Inguimbert les avait achetés parce que l’homme d’Église, dans l’esprit des Lumières, avait une soif de connaissances dans tous les domaines.

Peintures de la Bibliothèque-Musée Inguimbertine de Carpentras dans l'ancien Hôtel-Dieu de Carpentras, à Carpentras, le 19 avril 2024. (SYLVAIN THOMAS / AFP)

Plus loin, les visiteurs découvrent les beaux livres de Casimir Barjavel, ancien maire de Carpentras au XIXème siècle, auteur d’une importante donation. De précieux objets religieux juifs rappellent également l’importance de cette communauté dans cette ville connue pour sa synagogue rococo.

Une aile est consacrée aux beaux-arts, avec entre autres une section insolite contenant des copies d’œuvres célèbres, encouragées autrefois par l’État français à les faire connaître au public de la région. Il y a une copie de la Joconde envoyée « par le gouvernement de la République ».

« À regarder encore et encore »

Mais l’originalité du lieu tient aussi à sa médiathèque au rez-de-chaussée, ouverte depuis 2017. Outre des livres, des albums musicaux et des films, elle abrite un piano à queue, des tableaux et des objets précieux. Ici, « le jeu vidéo côtoie des œuvres d’art comme un globe Blaeu de 1622 », conçu à Amsterdam, se réjouit le maire divers gauche Serge Andrieu. Élu en 2020 face à l’extrême droite, il mise sur un accès à la culture le plus large et le plus démocratique possible pour lutter contre les inégalités sociales dans une région où les crises économiques ont laissé des traces.

Aujourd’hui, un public nombreux et diversifié fréquente déjà la médiathèque Inguimbertine avec plus de 130 000 visiteurs en 2023. Beaucoup se réjouissent de la nouvelle section muséale, qui finalise un projet de 36 millions d’euros entamé il y a 15 ans.

« C’est très beau, c’est contemporain et ça nous ramène aussi à l’Antiquité ; même quand les gens parlent, l’endroit reste calme, donne du calme », témoigne Wassim Benhammadi, auto-entrepreneur de 19 ans. Morjiane Bouhid, 20 ans, originaire d’une commune voisine, s’émerveille : « la beauté des œuvres me donne envie de les regarder encore et encore ».