C’est un drame en trois actes. Un road trip, un recentrage et un retour en arrière. Dans le premier acte, en début de journée sur France Inter, le nouveau ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, Antoine Armand, explique que, lors des discussions budgétaires, sa porte sera ouverte à tout le monde… sauf au Rassemblement national. Ce parti n’appartient pas à « l’arc républicain », argue-t-il.
“Le Rassemblement national, contre lequel nous avons un front républicain, n’a pas sa place là-bas. Il faut être très clair là-dessus”, explique-t-il, tout en incluant La France Insoumise. Cette déclaration a “gravement agacé” Michel Barnier, selon l’entourage du Premier ministre.
« Il y a eu un recentrage très fort du Premier ministre, dit-on à Matignon. Michel Barnier lui a rappelé que nous étions sur une ligne d’humilité et d’action, avant de communiquer. » Le Savoyard en avait même fait son leitmotiv dès le jour de la passation de pouvoir avec Gabriel Attal : « Plus d’action, moins de communication. »
Corriger le tir
Deuxièmement, Marine Le Pen a réagi à la déclaration du nouveau locataire de Bercy. « Quand j’entends Antoine Armand dire que sa porte est fermée au RN alors que le budget arrive, je pense que le Premier ministre doit aller expliquer à ses ministres la philosophie de son gouvernement, parce qu’il semblerait que certains n’aient pas encore tout compris », a ironisé la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale.
Comme révélé LE FigaroBarnier a dû appeler Le Pen lui-même pour la rassurer et lui dire qu’elle serait bien accueillie. Troisièmement, le même jour, le ministre de 33 ans a publié un communiqué de presse pour rectifier la situation.
“La situation économique et financière de la France nécessite une large concertation entre les élus de la nation”, précise le texte. “Conformément à la ligne politique fixée par le Premier ministre et comme indiqué dans ses discours de prise de fonctions, Antoine Armand (…) recevra l’ensemble des forces politiques représentées au Parlement”.
« Ligne rouge »
Ce premier gros couac pourrait fragiliser Michel Barnier, placé “sous surveillance” par le RN, qui a fixé une « ligne rouge » comme condition à la non-censure : le respect de ses onze millions d’électeurs. Sa déclaration de politique générale, mardi 1euh Le mois d’octobre sera particulièrement scruté. L’entourage du Premier ministre souligne d’ailleurs que ce n’est pas la première gaffe d’Antoine Armand. C’est sa deuxième gaffe en trois jours.
Le dimanche 22 septembre, au lendemain de l’annonce officielle de la composition du gouvernement, il a accordé sa première interview à JDDMais l’éphémère président de la commission des affaires économiques – il n’est resté à ce poste que deux mois – n’a prévenu personne.
L’interview, dans laquelle il évoquait des sujets qui ne concernaient pas exclusivement son portefeuille, n’avait pas été relue par Matignon avant sa publication… C’est, entre autres, pour éviter cela que le nouveau Premier ministre entend imposer la tenue de réunions entre différents cabinets ministériels.
« L’arc républicain est l’hémicycle »
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’exécutif se déchire sur cette question de « l’arc républicain ». Mi-février, Emmanuel Macron et Gabriel Attal avaient affiché publiquement leurs divergences sur ce sujet. Alors que l’ancien Premier ministre avait affirmé à deux reprises que « l’arc républicain, c’est l’hémicycle » – incluant le Rassemblement national et les Insoumis –, le président avait affirmé exactement l’inverse dans une interview à l’hebdomadaire Le Figaro. Humanité18 février.
À LIRE AUSSI Budget : ce que Michel Barnier peut faire pour remettre l’Europe sur les rails “Le RN ne rentre pas dans l’arc républicain”, a-t-il déclaré. “Le risque est que tout le monde se perde vite entre les déclarations d’Antoine Armand, Didier Migaud, Bruno Retailleau ou autres. Qu’ils se taisent !”, exhorte un député d’Ensemble pour la République.
C’était aussi le sens d’un message envoyé par Matignon dans une boucle de communicants gouvernementaux. Attendez de connaître les orientations de la déclaration de politique générale avant de vous exprimer, on leur a expliqué en substance. « Humilité » et discrétion, donc…