LLa jeunesse est trop souvent critiquée en raison de son apathie politique pour l’expression de son indignation face aux bombardements de l’armée israélienne qui ont déjà causé la mort de dizaines de milliers de civils palestiniens dans la bande de Gaza pour être, en soi, un objet de haine. désapprobation, voire étonnement. Les protestations des étudiants en France, comme, à une toute autre échelle, aux Etats-Unis, contre un massacre que les puissances occidentales, malgré leurs exhortations au cessez-le-feu, sont impuissantes à arrêter, sont légitimes.
Ces mouvements évoquent à première vue les révoltes étudiantes des années 1960 et 1970 contre la guerre américaine au Vietnam ou celles qui, un peu plus tard, dénonçaient le régime de l’apartheid en Afrique du Sud. Le parallèle s’arrête cependant assez vite. Les États-Unis n’ont pas été visés chez eux par le terrorisme vietnamien, où Israël a répondu aux massacres du 7 octobre 2023. Quant à Yahya Sinouar, le chef du Hamas à Gaza, il est difficile de le comparer à Nelson Mandela.
Chacun sait qu’après plus de soixante-quinze ans de conflit au Moyen-Orient, chaque mot utilisé, chaque référence omise, chaque accusation inattendue peut être perçue par « l’autre » comme une agression, une injure ou une marque de mépris. envers son histoire et ses souffrances. Certes, les accusations d’antisémitisme, manipulées par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, à la tête d’une coalition de droite et d’extrême droite, dans le but d’empêcher une contestation légitime de sa politique, doivent être considérées avec vigilance. Mais les slogans minoritaires entendus lors des rassemblements, en France comme aux Etats-Unis, appelant à la haine des juifs ou qui peuvent être compris ainsi constituent de terribles régressions.
Il faut défendre les libertés de réunion et d’expression, et non ces excès intolérables. Que des étudiants juifs, parce qu’ils s’identifient comme tels, puissent se sentir mal à l’aise, voire en danger, dans une université française ou américaine est inacceptable, quelles que soient leurs positions – en réalité très diverses – sur le conflit.
Le rôle central joué par les États-Unis dans la guerre à Gaza expose les autorités américaines à un défi direct. En France, Jean-Luc Mélenchon cherche à exploiter la faiblesse des réactions face à la tragédie de Gaza. Mais, en soutenant les appels à “soulèvement” et en attisant la colère des étudiants, le leader de La France insoumise jette de l’huile sur un sujet inflammable dans un pays qui rassemble d’importantes communautés juives et arabes, et fait douter de son sens des responsabilités.
Son choix d’éclipser les thématiques européennes qui ne manquent pourtant pas, voire sa propre tête de liste pour les élections du 9 juin, questionne aussi sa prétention à rassembler la gauche. Quant à la droite, elle est aussi subtile que les dérives qu’elle dénonce, résumant l’indignation des étudiants à une manifestation d’un « wokisme » importé des Etats-Unis.
Les universités, centres de connaissances et d’échanges, devraient être des lieux de dialogue raisonné, comme jeudi 2 mai à Sciences Po Paris. En réduisant une situation terriblement complexe à quelques slogans, les « blocages » ne contribuent guère à ce nécessaire débat contradictoire et respectueux de toutes les sensibilités. Mais s’il s’attaque aux étudiants sincèrement rebelles par la pure répression, le gouvernement court le risque de faire le jeu de ceux qui ont intérêt à leur radicalisation.