une réforme sensible à l’Assemblée, de fortes tensions dans l’archipel

A 17 000 kilomètres de Nouméa, l’Assemblée nationale a débuté lundi l’examen d’une révision constitutionnelle visant à élargir le corps électoral propre au vote provincial de l’archipel, un point sensible qui suscite de vives tensions sur place entre loyalistes et indépendantistes. .

Véhicules incendiés, pillages, barrages filtrants, arrestations… Sur le Caillou, les violences ont ponctué la journée et la soirée de lundi, alors que les débats s’ouvraient à Paris.

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a lancé le débat en assurant que la réforme, qui ouvre le vote provincial aux habitants résidant sur l’île depuis au moins dix ans, était « non seulement une volonté politique, mais une obligation morale pour ceux qui croient en la démocratie ». .

Il a appelé les députés à adopter le texte sans modification lors d’un vote solennel prévu mardi après-midi, a priori sans suspense pour le camp présidentiel, soutenu par la droite et l’extrême droite sur ce projet.

Après celui du Sénat, l’aval de l’Assemblée est nécessaire pour faire avancer ce projet de gouvernement, avant de réunir le Parlement en Congrès pour réviser la Constitution, à une date qui reste à fixer.

Prônant l’apaisement, Emmanuel Macron a promis dimanche de ne pas convoquer le Congrès « à la suite du » vote de l’Assemblée, selon son entourage. Le président de la République veut donner une dernière chance aux discussions entre acteurs locaux en vue d’un accord institutionnel global.

– « Main tendue » –

M. Darmanin a assuré qu’ils seront invités « rapidement » à Paris pour « discuter autour du Premier ministre, autour du gouvernement ». Mais cette « main tendue » de l’exécutif est pour l’instant « refusée » par le camp indépendantiste, selon lui.

Derrière ce texte de loi plutôt technique se cache une grande partie de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, comme en témoignent les tensions croissantes que connaît l’archipel ces derniers jours.

Deux camps s’opposent. Celle des non-indépendantistes, favorables à la réforme, et celle des indépendantistes qui y voient au contraire une démarche forcée de l’État visant à « minorer encore davantage le peuple indigène kanak ».

Lundi soir, la mobilisation a franchi un nouveau cap, avec plusieurs sites ravagés par les flammes et des heurts entre policiers et jeunes manifestants masqués, autour de plusieurs ronds-points bloqués, a constaté l’AFP. Au moins 20 arrestations ont eu lieu selon des sources policières, et 26 gendarmes ont été blessés selon la gendarmerie.

Face à des tensions locales croissantes, trois anciens Premiers ministres, Jean-Marc Ayrault, Edouard Philippe et Manuel Valls, ont plaidé ces derniers jours pour que Gabriel Attal reprenne la main sur ce dossier sensible, historiquement dirigé par Matignon.

Un avertissement partagé par une partie de l’opposition : « L’Etat doit retrouver au plus vite son rôle d’intermédiaire impartial en lançant, sous la responsabilité du Premier ministre, une nouvelle mission de dialogue », a demandé le député socialiste Arthur Delaporte avant de défendre une motion de rejet préalable du texte, largement rejetée.

La France insoumise a également exhorté le gouvernement à « cesser d’attiser les tensions qui fracturent la population », craignant une « véritable bombe contre la paix civile ».

– « À l’absurde » –

Durant la séance, Gérald Darmanin a dénoncé « l’attitude irresponsable » du mouvement de Jean-Luc Mélenchon en l’accusant de « jouer à l’obstruction », alors que de nombreux amendements sans rapport avec le texte étaient déposés.

La réforme constitutionnelle vise à ouvrir les élections provinciales aux résidents résidant depuis au moins dix ans. Prévue à ce stade au plus tard le 15 décembre, cette élection est incontournable sur l’archipel où les trois provinces détiennent une grande partie des pouvoirs.

Instauré en 1998 par l’accord de Nouméa, le corps électoral est en effet gelé, ce qui a pour conséquence, 25 ans plus tard, de priver du droit de vote près d’un électeur sur cinq. « La situation actuelle mène à l’absurde, à la voie antidémocratique », a insisté le ministre de l’Intérieur.

Au Sénat, un mécanisme a été ajouté pour permettre la suspension de cette réforme constitutionnelle si une entente locale intervient jusqu’à 10 jours avant les prochaines élections provinciales. Le gouvernement avait initialement fixé la date limite au 1er juillet, perçue comme un « ultimatum » par les oppositions.

A l’Assemblée nationale, le projet de loi a été adopté sans incident en commission avec le soutien du camp présidentiel, de la droite et de l’extrême droite.

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