Categories: Divertissement

une remarquable bande dessinée retrace l’histoire du rock alternatif français dans les années 80

Multipliant les points de vue, cet album documentaire raconte l’histoire du punk rock français à travers les voix de ceux qui ont vécu et soutenu ce mouvement de jeunesse pendant une décennie. Le dessin, précis et inventif, sert idéalement cette histoire qui fait vibrer chaque page.

France Télévisions – Culture Edito

Publié


Temps de lecture : 5 minutes

Pas si facile de raconter et de dessiner l’histoire deroche libre hexagonale’ des années 80“, remarque Loran de Bérurier Noir en préface de ce merveilleux album, et “encore moins pour faire sentir l’esprit” d’une jeunesse insoumise et en pleine tourmente qui voulait “construire un autre monde“.

Dur, et pourtant Arnaud Le Gouëfflec (scénario) et Nicolas Moog (dessin) l’ont fait. Et ils le font si bien que cette BD est un véritable document d’une décennie de la scène rock alternative française, aussi riche qu’un livre de 300 pages.

Un document, parce que Vivre libre ou mourir – Punk et rock alternatif en France 1981-1989 donne la parole à d’innombrables acteurs de ce mouvement, de Didier Wampas à Spi d’OTH, de Jean-Yves Prieur, fondateur de Bondage Records, à Marsu, gérant de Bérurier Noir, en passant par l’écrivain et réalisatrice Virginie Despentes, le documentariste et journaliste David Dufresne, Eric Debris de Metal Urbain, Olivier de Sheriff ou encore Eric Sourice de Thugs. Chacun puise ici dans ses souvenirs pour raconter cette histoire vibrante.

La genèse, l’avènement et la fin du groupe phare Bérurier Noir constituent le fil conducteur de cette histoire chorale chronologique. Mais les auteurs laissent largement la place à l’ensemble de la scène pour respirer – Camera Silens, Al Kapott, Les Collabos, Kochise, les Trotskids sont ici cités, au même titre que les plus célèbres OTH, Ludwig Von 88, Parabellum, Garçons Bouchers, Négresses. Vertes ou Mano Negra.

Une histoire chorale avec le recul

Une histoire d’autant plus intéressante et nécessaire que tous ceux qui s’expriment ici le font avec du recul, sans jamais tomber dans l’embellissement auquel conduit parfois la mémoire nostalgique et sélective d’une jeunesse révolue.

D’où cette remarque choquante et profondément honnête d’Olivier des Sheriff : «Les années 80 sont pourries, vous savez. Pas d’équipement, des combats… Je ne sais pas si je reconstruis la mémoire ou pas… juste de la merde. Mais c’était la vie que nous voulions“.

Derrière l’autodétermination créatrice de cette jeunesse idéaliste en rupture se cachent aussi la drogue, l’alcool, le déclin, et certains en paient le prix fort, parfois de leur vie. “Beaucoup de groupes prenaient de l’héroïne et nous ne pouvions pas le supporter. », se souvient Loran de Bérurier Noir. “Au Bérus, on ne prenait aucune drogue avant de jouer, rien, pas même une goutte d’alcool.”

Une chose est sûre, le punk était bien plus que de la musique pour tous. Une ligne de conduite politique autant qu’artistique, et une philosophie, celle du « Do It Yourself ». En plus, “alternative, cela ne voulait pas dire grand-chose. (…) C’est un mot qui a été inventé pour nommer quelque chose dont on ne savait pas exactement ce que c’était., souligne Eric Sourice des Thugs. “Le rock alternatif est l’équivalent du punk rock anglais, quelque chose qui explose et fait tout exploser.”, ajoute Marsu. Quel que soit le nom qu’on lui donne, cette scène ne demandait rien à personne et cultivait une farouche indépendance.

L’idée était de tout faire soi-même. “Pas d’étiquettes ? Nous mettons en place des étiquettes. Pas de chambres ? Nous jouons en squats. Aucun média ne parle de ce que vous faites ? Nous créons des fanzines”, résume Jean-Yves Prieur. Et pour se protéger des bandes violentes, les Bérus ont également mis en place leur propre service de sécurité, particulièrement vigilant aux signes extérieurs de racisme ou d’association avec l’extrême droite. Rétrospectivement, Loran déplore «laisse le partir” de la souris endommagée à ce niveau. La montée du FN, mais aussi la Marche pour l’égalité et contre le racisme (dite « Marche des Arabes »), la mort de Malik Oussekine : Arnaud Le Gouëfflec et Nicolas Moog prennent soin de rappeler régulièrement le contexte socio-politique.

Une ligne vive et précise qui en dit beaucoup avec peu

Dans cette radiographie du mouvement alternatif, la place des femmes n’est pas oubliée. Les Titis, dont l’implication a beaucoup contribué à la flamboyance des concerts de Bérus et à l’identification des filles à ce groupe insoumis, en témoignent. “Dans le punk, les femmes (…) pourraient quitter le rôle de la pin-up basique et développer leur côté masculinsouligne Mistiti. Dans la danse, j’ai libéré ma haine, ma colère.”

De son côté, Virginie Despentes se souvient des Titis comme « des chiffres importants et cruciaux”mais aussi d’avoir été marqué par l’écriture au style particulier de cette scène, citant notamment les textes de Géant vert, Tai-Luc de La Souris Déglingué, Spi d’OTH ou encore Vérole des Cadavres.

Audacieux, vivant et réussi, cet album l’est aussi pour ses dessins qui font vibrer chaque page. Avec son trait noir, audacieux et précis, Nicolas Moog cultive une sobriété rigoureuse mais ludique, multipliant les détails malicieux, les clins d’œil (après Cabu, après Fred…), les caricatures bienveillantes et les découvertes graphiques qui explosent les cartons avec jubilation. En parfait accord avec son sujet, il fait et dit beaucoup avec une grande économie de moyens.

Très complète, cette BD qui débute avec la première vague punk, celle de la fin des années 70, se clôt sur la période post-Bérus, avec une galerie de portraits typiques. “que sont-ils devenus ?“, et sur une discographie commentée. Le punk c’est “un virus de la culture pop qui se réactive à chaque fois qu’il descend dans le divertissement“. Si cette définition donnée au début du livre est vraie, la prochaine vague arrive bientôt.

« Vivre libre ou mourir – Punk et rock alternatif en France 1981/1989 » d’Arnaud Le Gouëfflec et Nicolas Moog (Glénat, 22h50 €)

Juliette

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