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Utilisation de la psilocybine | Le café du sénateur Campbell

C’est arrivé l’automne dernier sur la côte ouest. Un beau soleil réchauffait l’île Galiano, qui émerge entre la grande île de Vancouver et la métropole du même nom. Et Larry Campbell, l’un des 1 000 insulaires de ce « joyau du détroit de Géorgie », se sentait bien.

Posté à 5h00

Judith Lachapelle

Judith Lachapelle
La presse

Étrangement bien, même.

En fait, il ne s’était pas senti aussi bien depuis… depuis… « Oh. Depuis très, très longtemps », raconte l’homme de 74 ans, ancien maire de Vancouver, ancien policier et sénateur au Parlement d’Ottawa depuis 2005.

Car derrière cette carrière bien remplie, Larry Campbell souffre de dépression chronique depuis maintenant 30 ans. « Et j’ai toujours été un peu irritable. Ça ne s’améliorait pas avec l’âge… »

Mais en cet automne 2021, bizarrement, il se sentait bien. Il ne sortait plus de ses gonds au moindre tracas. Son tempérament colérique semblait apaisé.

Intrigué par cette sérénité retrouvée, il en parle à sa femme. Qui, elle n’était pas vraiment surprise.

C’est alors qu’elle m’a dit que depuis deux semaines, elle saupoudrait de champignons magiques dans mon café…

Larry Campbell, sénateur au Parlement d’Ottawa

Attendez, attendez, supplie notre interlocuteur. Cette histoire n’est pas celle d’une femme qui drogue son mari en cachette, insiste-t-il. « Avant de blâmer ma femme, vous devez savoir qu’elle m’a dit ce qu’elle ferait. Mais bon, comme beaucoup de maris, j’avais tendance à ne pas toujours écouter ce que disait ma femme… »

Il rit de bon cœur au bout du fil. Mais l’essence de son message ne concerne pas les circonstances dans lesquelles des microdoses de psilocybine – l’élément hallucinogène des champignons dits « magiques » – se sont retrouvées dans son café.

Ce que Larry Campbell veut souligner, c’est le potentiel thérapeutique que recèle ce médicament, et qu’il doit être étudié de près en élargissant l’accès à l’usage thérapeutique. « La science à ce sujet est encore incomplète, mais il existe des preuves que les drogues psychédéliques peuvent aider à traiter la dépression, l’anxiété, le choc post-traumatique et les dépendances. »

Son exemple est éloquent, souligne-t-il, puisque dans son cas, l’effet placebo peut être exclu. Et en ingérant des microdoses de psilocybine, il n’a jamais ressenti d’effet hallucinogène.

« Après trois ou quatre jours après avoir commencé à utiliser, j’ai commencé à me sentir heureux. C’est la seule façon dont je peux le décrire. Je n’ai pas vu de licornes, le ciel n’était pas plus bleu, je n’ai pas eu d’envie soudaine d’écouter Janis Joplin ou Jimi Hendrix… Je me suis juste sentie plus heureuse. »

J’ai réalisé que mon état d’esprit avait changé.

Larry Campbell, sénateur au Parlement d’Ottawa

« Avant, je pouvais bêtement m’énerver juste en faisant la queue. Mais ensuite, alors que j’aurais pu me mettre en colère, j’ai réussi à me raisonner. C’était vraiment un grand changement. Eh bien, je me fâche encore parfois, mais ça n’arrive plus si souvent ! »

De la GRC au Sénat

Larry Campbell en sait un peu sur les stupéfiants. Policier au sein de la brigade antidrogue de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), il a fondé le premier bureau du coroner de la ville de Vancouver en 1981 avant d’être nommé coroner en chef de la Colombie-Britannique. Des années d’enquêtes déchirantes, raconte-t-il, où la crise des opioïdes a commencé à faire des ravages en Occident. Un syndrome de choc post-traumatique le hante toujours. « On ne mène pas d’enquêtes sur des milliers de morts sans en payer le prix… »

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PHOTO CHUCK STOODY, LES ARCHIVES DE LA PRESSE CANADIENNE

Larry Campbell, lorsqu’il était maire de Vancouver, en 2003

En 2002, il a été élu maire de Vancouver en proposant une nouvelle stratégie de lutte contre la toxicomanie et la toxicomanie. L’année suivante, il pilote l’ouverture du premier site d’injection supervisée de la ville (pardon : le premier en Amérique du Nord !), puis est nommé sénateur à Ottawa en 2005.

Le policier de la brigade des stupéfiants s’imaginait-il un jour s’auto-médicamenter avec des champignons magiques ? » Non non non ! s’amuse Larry Campbell. « J’étais policier, je faisais respecter la loi et je pensais que c’était la bonne chose à faire. Mais un jour je suis devenu coroner, et mon travail consistait à maintenir les gens en vie en empêchant la mort. Et à Vancouver, se souvient-il, des centaines de personnes meurent « d’une maladie appelée dépendance ».

Alors qu’il était bien conscient du problème des opioïdes, il en savait peu sur les drogues psychédéliques. Celles-ci créent peu de dépendance et peuvent même, dans certains cas, soulager la souffrance. Des travaux menés entre autres à l’université Johns Hopkins, aux États-Unis, ont révélé des résultats encourageants du microdosage de la psilocybine pour le traitement de la dépression et des addictions.

Je ne suggère pas que les drogues psychédéliques devraient être rendues disponibles pour un usage récréatif. Ce que je souhaite, c’est que des dérogations soient accordées pour un usage thérapeutique sans avoir à passer par un médecin.

Larry Campbell, sénateur au Parlement d’Ottawa

Au Canada, à de rares exceptions près, la production, la vente et la possession de champignons magiques sont toujours illégales.

Le sénateur, soit dit en passant, ne détient pas de dérogation officielle pour consommer sa psilocybine. Il dit avoir beaucoup lu sur le sujet (notamment les travaux du mycologue américain Paul Stamets). Il utilise une petite balance pour mesurer ses propres milligrammes de champignons, qu’il consomme au besoin. Mais il se garde bien de conseiller quiconque serait tenté par cette expérience. « Je prends la responsabilité de ce que je fais pour moi-même », dit-il. Si vous souffrez de dépression sévère, ce n’est pas une mauvaise idée d’en discuter avec votre médecin. Peut-être pourra-t-il vous référer à un autre spécialiste connaissant la psilocybine, même s’il n’y en a pas beaucoup. »

Et comment s’approvisionne-t-il ? « Je ne peux pas parler pour le reste du Canada, mais ici en Colombie-Britannique, ce n’est pas très difficile de trouver quelqu’un qui peut vous conseiller et vous en vendre… »

Ce qui n’est pas idéal, convient Larry Campbell. Et c’est pourquoi il saisit toutes les occasions de sensibiliser les élus à cet enjeu.

« Il y a des gens au Sénat et à la Chambre des communes qui penseront que je suis vieux et fou… Mais il faut en parler. »

Mise à jour des champignons

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PHOTO RICHARD VOGEL, ARCHIVES DE PRESSE ASSOCIÉES

Champignons psilocybine

Des résultats prometteurs

Au cours des dernières années, de nombreuses études ont révélé des résultats prometteurs concernant l’utilisation de la psilocybine en milieu clinique. Contrairement aux microdoseurs comme Larry Campbell, qui s’auto-médicamentent sans surveillance médicale, la prise de psilocybine en milieu clinique est associée à une psychothérapie – en d’autres termes, le patient prend la substance en présence de thérapeutes qui surveilleront ses effets pendant quelques heures. Des chercheurs de l’université Johns Hopkins (Maryland) ont publié plusieurs études sur ce sujet, notamment sur le soulagement de l’anxiété chez les patients atteints de cancer, chez ceux qui souffrent de dépression sévère ou qui ont des addictions. Dans certains cas, une seule dose de psilocybine a eu des effets bénéfiques qui ont duré un an.

Obtenir de la psilocybine avec Santé Canada

En janvier dernier, Santé Canada a annoncé un nouveau programme permettant aux médecins de demander à prescrire certains médicaments psychédéliques restreints, dont la psilocybine et le LSD, aux personnes atteintes de maladies graves ou potentiellement mortelles. Selon le programme, la prise de ces substances doit se dérouler en milieu clinique, combinée à une psychothérapie dirigée par des spécialistes formés à cette approche. Selon Santé Canada, en date du 23 juin, 18 demandes de traitement de 22 patients avec de la psilocybine ont été accordées. « Les autres demandes sont en cours d’examen ou ont été retirées par le médecin demandeur », nous a indiqué Santé Canada.

Accès plus ou moins restreint

Malgré cette annonce présentée comme un assouplissement, le nouveau programme s’est avéré plus contraignant que l’ancienne approche d’exemption : entre août 2020 et décembre 2021, 79 Canadiens ont obtenu une exemption de Santé Canada pour pouvoir consommer de la psilocybine. Depuis janvier, des candidats ont vu leur candidature refusée car ils ne respectaient pas les nouvelles règles. C’est le cas de Janis Hughes, une femme de 65 ans de Winnipeg dont l’histoire, rapportée par la CBC en février, a particulièrement indigné le sénateur Larry Campbell. Mmoi Hugues, qui souffre d’un cancer du sein en phase terminale, souhaitait avoir accès à la psilocybine pour apaiser l’anxiété qui gâchait ses derniers mois de vie. Sa demande d’accès pour usage thérapeutique faite à Santé Canada a été refusée. « Je comprends ce qu’elle traverse », déclare Larry Campbell. Il y a deux ans, j’ai passé 40 jours à l’hôpital pour un traitement contre le cancer. L’ironie, comme l’a souligné cette dame, c’est qu’elle pourrait obtenir une aide médicale à mourir en 10 jours, mais elle ne peut pas obtenir de psilocybine. »

Un commerce de plus en plus ouvert

Paradoxalement, acheter des champignons magiques sur le marché semble devenir de plus en plus facile – il suffit de taper quelques mots-clés dans un moteur de recherche pour trouver des sites de fournisseurs de champignons bien documentés qui promettent une livraison discrète. Ces derniers mois à Vancouver, de nombreuses entreprises ont même commencé à vendre ouvertement des champignons magiques sans trop d’ennuis de la part de la police. « Des centaines d’entreprises à travers le pays vendaient du cannabis avant qu’il ne soit légalisé », a déclaré Dana Larsen, propriétaire du Magic Mushroom Dispensary, à CTV en mai. « Je pense que nous verrons un phénomène similaire avec les champignons. »

Intérêt pour le Québec

En mai dernier, une première clinique au Québec, Mindspace, a obtenu l’approbation de Santé Canada pour traiter un patient souffrant de dépression avec de la psilocybine. Le chercheur et pharmacien Michel Dorval, de l’Université Laval, veut documenter l’acceptabilité sociale de la prise de psilocybine pour les personnes en fin de vie. « Ce n’est pas quelque chose de très connu. On veut savoir ce que les gens en pensent, s’ils pourraient être intéressés par cette possibilité », précise M. Dorval. Le problème d’accessibilité à un médecin formé pour ce traitement reste un obstacle majeur. « Nous avons des patients qui sont prêts à envisager cette option, mais qui ne trouvent pas de médecin pour les accompagner. »

Apprendre encore plus

  • 35
    Nombre de demandes d’accès à la psilocybine déposées depuis janvier 2022 au Canada

    18
    Nombre de candidatures acceptées

    Source : Santé Canada


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