Reconnaître le « génocide vendéen » est l’obsession du créateur du Puy du Fou. Derrière les animations, le parc d’attractions porte la vision de Philippe de Villiers. Depuis trente ans, il raconte (s’il le faut en la réécrivant) « son » histoire de la Vendée : une terre sacrifiée par la République…
Sur les murs de la chapelle, des scènes sanglantes, des corps entassés sur des bûchers, des têtes coupées (dont celle de Louis XVI) brandies par des porteurs de cocardes tricolores. Sur ces fresques, « les Bleus (Républicains) arrivent dans les villages avec l’ordre de brûler ou de tuer », en application de « plusieurs décrets » visant à « exterminer les Vendéens comme tels » – parce qu’ils se sont insurgés contre la Révolution dont ils n’acceptent pas les valeurs, explique un jeune guide. Il juge « il est très important de montrer une telle violence, puisque c’est ce qui s’est réellement passé ».
Cette chapelle fraîchement rénovée, au nord du parc du Puy du Fou, n’est connue que de quelques initiés. Philippe de Villiers en est le parrain. Ce jour-là, il est attendu par son ami Reynald Secher, historien contesté du milieu universitaire… et une équipe du Complément d’Enquête. Pendant ce temps, dans le cloître se déroule une vente de livres consacrés à des thèmes (Islam, Juifs de France…) chers à l’extrême droite.
Le plus célèbre des Vendéens inaugurera un mémorial en hommage à ceux qu’on appelle ici les « martyrs vendéens ». Que les Républicains aient commis des exactions en Vendée, les historiens ne le mettent pas en doute. Mais pour les nostalgiques de la monarchie, il s’agit d’un « génocide », une thèse qui doit beaucoup à Philippe de Villiers.
« Le terme ‘génocide’ n’est absolument pas reconnu par les historiens. Les Vendéens sont visés comme des rebelles politiques, ce sont des Français qui s’entretuent, il n’y a rien de génocidaire là-dedans. On peut plutôt parler de violences de guerre civile, mais de ‘génocide’, absolument pas, c’est faux. »
Guillaume Mazeau, historien spécialiste de la Révolution françaisedans « Enquête complémentaire »
Faire reconnaître ce « génocide vendéen » est son obsession. Derrière les animations, c’est tout le parc d’attractions qui raconte « son » histoire de Vendée : une terre sacrifiée par un régime qui suscite encore ici la méfiance. « La république, c’est de la merde » : cette phrase, Laurent de Villiers, le plus jeune des sept enfants du patriarche, affirme l’avoir souvent entendue dans la bouche de son père. « Nous étions monarchistes. Si la république est vraiment nulle, alors il faut s’impliquer et la combattre. Et c’est ce que nous disait Philippe. »
Ses convictions sont mises en scène dans un spectacle présenté au Puy du Fou, « Le Dernier Panache », inspiré d’un de ses livres et vu depuis 2016 par plus de 10 millions de spectateurs. Des paliers pivotants et des effets spéciaux pour présenter ce « génocide vendéen » au grand public comme un événement authentique. Notre historien a signalé certaines erreurs, comme celle-ci « défilé macabre avec (…) des enfants attachés par les mains à une guillotine ambulante… Les guillotines ambulantes ont existé, mais les enfants n’ont jamais été guillotinés… donc il y a vraiment une escalade et, surtout, une falsification ».
Quant au nombre de victimes des Républicains (300 000) avancé à la fin de l’émission, il est « absolument faux ». « Les estimations sont entre 170 000 et 200 000 morts, ce qui est considérable, cela veut dire qu’il y a eu des violences de masse qui ont été commises, de la répression, précise Guillaume Mazeau, mais ce n’est pas 300 000. »
Extrait de « Histoire, argent, pouvoir : les vrais secrets du Puy du Fou », un document à voir dans « Complément d’Enquête » du 7 septembre 2023.
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