Voulez-vous du vin de messe ?
Mercredi, j’ai chroniqué sur l’alcool1. Il faut boire moins, si l’on se fie à la synthèse de plus de 150 études sur l’effet de l’alcool sur la santé. Plus nous buvons, plus nous risquons de développer un cancer, une maladie cardiovasculaire et un accident vasculaire cérébral.
Au-delà de sept consommations par semaine, on entre dans une zone de plus en plus à risque, selon l’augmentation de la consommation, selon ce rapport du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances.
Parce qu’après 17 ans d’écriture dans La presse, je vous connais bien, lecteurs coquins, j’ai aussi écrit ces mots : « Je vous entends hurler d’ici ! »
Et tu as crié, mon Dieu tu as crié !
Tu as crié sur le gouvernement, tu as crié sur la science-qui-dit-une-chose-et-son-inverse…
Et tu m’as aussi crié dessus en me traitant de puritain, de rabat-joie et même de prêtre.
Amen. Voulez-vous du vin de messe ?
Alors je savais que tu allais crier. L’alcool, c’est comme l’école : chacun de nous pense être expert en la matière. Chacun a ses certitudes.
Mais à propos de ces recommandations, fondées sur des preuves, certains sont passés à côté de certains passages importants de cette chronique. Comme celle-ci, où je me sens désormais mieux informée par cette étude : « Je vais me gouverner en conséquence… Ou pas. »
Et j’écrivais aussi : « Les gens sont libres d’adapter – ou pas – leur consommation. Mais ce qui est essentiel, c’est que l’information parvienne aux citoyens, afin que nous puissions faire des choix éclairés. »
Il me semble que les prêtres du petit Jésus de mon enfance étaient moins conciliants avec le dogme…
Désolé de me citer deux fois dans la même colonne, mais vous êtes si nombreux à lire mon journal du mercredi en criant que certains passages ont manifestement manqué !
Moi, c’est simple, je veux savoir. Je veux tout savoir. Dans tous les domaines de ma vie. Je veux les données, les informations, les statistiques et le contexte, pour se faire une idée. Pour m’aider à décider. Pour faire des choix éclairés. C’est ce que fait cette étude : elle donne le score actuel d’achat de bouteilles de plongée, basé sur plus de 150 études.
Mais bon, pour paraphraser un général dont on disait qu’il adorait le champagne : « Québécois, je vous ai entendu ! » Vous n’avez pas l’intention de réduire votre consommation de bière, de vin, de gin, de crème de menthe, de Sex on the Beach ou de shots de B-52. Personne ne te dira quoi boire, combien boire, parce-que-tu-devrais-mourir-de-quelque-chose, laisse-moi gérer mes risques, ça ira, le gouvernement, maman, monsieur le cœur…, euh, le chroniqueur !
Allez, je te donne ma bénédiction.
Tout ce que je dis, et c’est un peu ce que dit cette étude du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, c’est de donner aux Canadiens le vrai pointage sur l’alcool et ses risques . Et gouvernez-vous en conséquence.
Vos deux parents sont décédés avant l’âge de 60 ans d’une maladie cardiaque ? Peut-être que 15 verres de vin par semaine n’est pas une bonne idée.
Vous faites six marathons par an et vos parents sains de 90 ans organisent encore des expéditions de ski de fond en Scandinavie ? Eh bien, peut-être que 15 verres de vin, ce n’est pas si grave dans votre cas…
C’est aussi gérer ses risques : apprendre à se connaître. Mais pour gérer le risque, il faut avoir le vrai score, les meilleures données possibles. Je vous soumets délicatement ceci : une analyse de 150 études scientifiques est plus fiable que de s’accrocher à l’anecdote de cette religieuse en France qui a bu son petit verre de porto quotidien jusqu’à ses 127 ans.
Je vais vous surprendre : concernant l’alcool, je n’ai pas l’intention de changer radicalement ma consommation. Il m’arrive de dépasser le seuil des sept verres, à l’occasion. Pas souvent, mais parfois. Je bois peu car je deviens vite un cocktail, ce qui est super : ça me coûte moins cher et je me couche plus tôt.
Avertissement : Je fête mon anniversaire, le week-end, mes cheveux peuvent me faire mal le lendemain matin. Il y aura probablement du gros gin, de la tequila, un martini-shaken-not-stirred (ou deux)…
Et si je me sens vraiment sauvageil est tout à fait possible que deux ou trois bouteilles de mon mousseux préféré – le Baby Duck – finissent dans le bac de recyclage.
Je l’assume, j’assume le risque de dépasser la limite suggérée. Mais je connais le risque maintenant. Et toi aussi. Alors, gouvernons-nous en conséquence…
Quoi qu’il en soit, gros buveurs ou non, nous allons tous mourir en attendant un médecin aux urgences de l’hôpital local, nos couches à moitié pleines, pendant que les infirmières travaillent s’asseoir de protestation. Les données des 30 dernières années sont assez claires à ce sujet.
Mais sérieusement, je suis toujours étonné par vos réactions viscérales à cette étude. C’est comme si on vous avait dit que la SAQ allait commencer à rationner l’alcool, comme l’URSS rationnait le pain et les pommes de terre…
Je vous assure : ce n’est pas le cas. Eh bien, je ne pense pas.
Mais il se peut que de notre vivant la SAQ soit forcée de relâcher la poulie sur la publicité et la commercialisation de la substance qui, de toutes les drogues, est la plus nocive pour soi et pour les autres.2.
Au fait, avez-vous remarqué que la Société québécoise du cannabis (SQDC) n’est pas autorisée à faire la publicité de ses produits ?
Je ne dis pas que c’est bon ou mauvais.
Je dis qu’il n’y a aucune raison de permettre à la SAQ de faire ce qui est interdit à la SQDC, qui vend une drogue moins nocive que l’alcool pour les individus et pour la société. Une drogue que je n’utilisais pas, avant que tu m’accuses d’être un vilain curé…
Suis-je un hérétique pour élever ce double standard ?
Bon, là-dessus, je vous préviens qu’aujourd’hui c’est jeudi et qu’il est encore 5 heures du matin quelque part…
Et si vous conduisez, ne buvez pas. Mais je ne te dis pas d’attacher ta ceinture, je prévois que tu m’appelles Jean-Paul II.
Santé, tout le monde !
canada-lapresse