La pièce d’Aïda Asgharzadeh est un voyage incessant entre l’Iran et la France, des rires et des larmes, du cauchemar et de la légèreté. « Poupées Persanes », un conte moderne poignant. Crise cardiaque.
Un an presque jour pour jour après la mort de Masha Amini, tuée le 16 septembre 2022, après avoir été interpellée par la police des mœurs pour un voile mal porté, le théâtre de La Pépinière accueille les 200e de la pièce au succès indéniable poupées persanes. Brillant, plein d’humanisme et d’humour, le travail d’Aïda Asgharzadeh est une bouffée d’air frais. Et pour cette rediffusion, la salle était pleine, les strapontins étaient tous occupés. Commençons par le début : il était une fois… En persan, en farsi, c’est plus authentique »Yeki bood, Yeki nabood. Gheir az Khodâ, ça démange kas nabood ». poupées persanes est un conte moderne, à deux temporalités, qui nous emmène en Iran dans les années 1970 et en France fin 1999.
Il était une fois …
Il était une fois, voire deux, voire plusieurs fois, des amis idéalistes qui rêvaient d’un monde meilleur et que la révolution finirait par écraser et contraindre à l’exil. Cela s’est produit à Téhéran, cela s’est produit ailleurs aussi. L’histoire est universelle. C’est l’histoire d’une humanité qui ne désespère pas. Nous sommes en Iran, dans les années 70. Le Shah est complètement déconnecté de son peuple. Elle ne tient que grâce à sa police secrète. Quatre amis universitaires ont rêvé d’un printemps fleuri, avant de se laisser entraîner dans un cauchemar sans fin, dans un hiver rigoureux. Aïda Asgharzadeh laisse entrevoir les petites lâchetés, les petits arrangements mais aussi l’engagement, la résistance. Que faire face à un système répressif ? Les réponses individuelles sont nécessairement multiples.
Que sont devenus nos rêves ?
Ce délicieux dialogue illustre toutes les ambiguïtés de l’époque. A Manoucher, personnage qui souhaite agir pour faire tomber le shah, son ami Bijan, musicien, répond avec scepticisme : » Et que proposez-vous à la place ? Une république laïque ? Une démocratie religieuse ? Une république islamique ? Comment souhaitez-vous que les membres du conseil constitutionnel soient élus ? Les ministres ? Quelle parité ? En discutez-vous avec vos amis à la mosquée ? Bien sûr que non. Vous vous dites bêtement qu’il y a la force dans le nombre et qu’ensemble vous arrêterez le Shah. Et après ? Qui mangera qui cette fois-ci ? » Réponse de Manoucher : «Vous avez raison, restez tranquillement à faire de la musique chez vous. Il est bien connu que le solfège a guidé les plus grandes révolutions… » C’est dans ce contexte que Bijan et Manijeh, prénoms d’un couple mythique, tentent de s’aimer et de se projeter dans le futur.
Et on passe des larmes aux rires, puis inversement. On abandonne Téhéran pour Avoriaz, la comédie tragique, ou l’inverse. Légèreté et profondeur. Le passé refuse de se décomposer, de mourir. Des allers-retours passé-présent, inquiétants et émouvants. La pièce n’est pas limitée, elle aborde de nombreux thèmes. Que dire de poupées persanes sans tomber dans l’excès des superlatifs ? Les six comédiens, qui incarnent à eux deux une trentaine de rôles, sont tous inspirés, comme habités par leurs personnages. Ils évoluent avec aisance dans un décor ingénieux. L’utilisation de l’espace est tout simplement impressionnante. poupées persanesécraser et frapper.
Formulaire
Titre : poupées persanes
Durée : 1h35
Auteur: Aïda Asgharzadeh
Mise en scène: Régis Vallée
Scénographie : Philippe Jasko et Régis Vallée
Création de lumière : Aleth Depeyre
Vidéo : Fred Heusse
Musique : Manuel Peskine
Costumes: Marion Rebmann assistée de Marie Dumas de la Roque
Directeur assistant: Mélissa Meyer
Décorateur: Alissia Blanchard
Distribution : Aïda Asgharzadeh, Juliette Delacroix, Kamel Isker, Azize Kabouche, Toufan Manoutcheri, Sylvain Mossot
Résumé : C’est l’histoire de quatre universitaires en Iran dans les années 1970, de la chute du Shah à l’arrivée au pouvoir du régime islamique. C’est l’histoire, en France, de deux sœurs peu enthousiastes à l’idée de célébrer le passage à l’an 2000 aux sports d’hiver, en famille. C’est l’histoire d’amour de Bijan et Manijeh, un couple mythique issu des légendes persanes. C’est l’histoire d’une jeunesse pleine d’espoir, d’une lutte avortée, d’un peuple sacrifié, de secrets tordus, de la transmission dont on ne sait que faire et de l’amour qui ne faillit jamais. ne sait plus où aller. C’est en fait l’histoire de toutes les révolutions.
Théâtre La pépinière, du mardi au samedi à 21 h, samedi matin à 16 h
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