LLes enfants victimes de violences d’adultes continueront-ils à sombrer dans le déni collectif ? À partir d’une succession exceptionnelle d’actes criminels impliquant des mineurs, médias et dirigeants politiques ont façonné une sorte de méta-événement représentatif de « l’ultraviolence » des adolescents, imposant un retour à l’autorité perdue. Force est de constater que, si les délits impliquant des adolescents donnent immédiatement lieu à une escalade des réponses coercitives et punitives – superflu compte tenu de l’arsenal dont disposent déjà juges et procureurs et qui a permis de prononcer 163 condamnations pénales en 2022 –, ce n’est pas le cas des crimes dont ils sont victimes, bien qu’ils soient bien plus nombreux.
Mais si l’on veut véritablement lutter contre les violences des adolescents, il faut commencer par s’attaquer aux conditions dans lesquelles ils grandissent, qui sont à l’origine de leurs violences futures. De nombreuses études ont établi ce constat : une proportion importante d’enfants délinquants étaient initialement des enfants en danger. « Enfance en danger et enfance dangereuse : le même public »faisait partie d’une mission d’information du Sénat en 2018.
La soixantaine d’enfants morts en 2022 des suites de violences au sein de leur famille (chiffres du ministère de l’Intérieur, notoirement en deçà de la réalité) ne sont toujours pas considérées comme un fait social majeur. Pas plus que les 160 000 enfants victimes de violences sexuelles, principalement au sein de leur famille, qui ont été mis en lumière par les récents travaux de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles contre les enfants (Ciivise). Si tel était le cas, des moyens considérables devraient être déployés pour enquêter sur ces faits et mieux protéger les victimes. Il est évident que les actes commis massivement contre les enfants lorsqu’il s’agit de violences sexuelles appellent une réponse politique.
Les oubliés des politiques publiques
Les juges pour enfants sont chargés par la loi de protéger les enfants dont les conditions de santé, de sécurité ou d’éducation sont gravement compromises. Chaque année, ils sont informés de la situation de dizaines de milliers de bébés, enfants et adolescents en danger – 112 919 nouvelles situations en 2022 selon le ministère de la Justice. Or, on compte à peine plus de 500 juges qui surveillent près de 255 000 enfants auxquels il faut accorder individuellement du temps, ainsi que leurs familles, leurs avocats, leurs éducateurs. C’est totalement insuffisant, comme le montrent ces seuls chiffres : les juges ne peuvent même pas accorder à chacun une audience annuelle. Que fait-on pour remédier à cela ? Beaucoup trop peu : le plan de lutte contre les violences contre les enfants 2023-2027 omet la justice pour mineurs, et les renforts promis en magistrats et greffiers sont bien en deçà des besoins en la matière.
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