Le programme économique du RN, une bombe potentielle pour les finances publiques ?

Retour à la retraite à 62 ou 60 ans, prêt de 100 000 euros à taux zéro, TVA à 5,5% sur l’énergie… Les mesures très populaires du Rassemblement National pourraient conduire à une explosion de déficits de l’ordre de 100 milliards d’euros.

Un destin à la Liz Truss attend-il un éventuel futur locataire du Rassemblement National à Matignon ? Pour rappel, l’ancienne Première ministre britannique au destin éphémère avait déclenché une crise financière avec son « mini-budget » qui prévoyait des baisses massives d’impôts et de cotisations sociales et la prise en charge d’une partie des factures énergétiques des entreprises.

Un programme non financé estimé à plus de 100 milliards de livres et qui a déclenché la panique sur les marchés. Les taux d’emprunt du pays ont bondi de 29 %, la livre sterling s’est effondrée et la Banque d’Angleterre a dû intervenir pour éviter la faillite du système de retraite.

« C’est un épisode bref mais qui a démontré que le sérieux budgétaire n’était pas qu’une lubie technocratique mais une condition fondamentale quand on vit au-dessus de ses moyens et qu’on a besoin de l’argent des autres pour se financer », résume un économiste.

Or, dans ce cas-là, le programme du RN pour 2022, revendiquant la victoire finale aux législatives du 30 juin et du 7 juillet, présente des similitudes. L’Institut Montaigne avait estimé le coût des différentes mesures pour les finances publiques à environ 120 milliards d’euros par an pour seulement 18 milliards d’économies, soit un manque à gagner de plus de 100 milliards par an. Soit près de 3 500 euros en moyenne par foyer. Pour rappel, le déficit public pour 2023 était de 154 milliards d’euros (5,5% du PIB).

Alors que six Français sur 10 souhaitent faire du redressement des finances publiques une priorité, le programme de dépenses du RN, s’il était appliqué à la lettre, augmenterait le déficit public de plus de 67 %. Et cela sans tenir compte de la hausse des taux d’emprunt et de l’alourdissement du fardeau de la dette provoqués par un tel choc budgétaire.

Jusqu’à 30 milliards d’euros pour les retraites

C’est l’éventuelle réforme des retraites qui serait de loin la mesure la plus coûteuse. Le retour à un âge légal de départ à 62 ans, voire 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans (avec 160 trimestres de cotisations) ou 61,5 ans pour ceux qui ont commencé à 21 ans (avec 163 trimestres) est une mesure explosive estimée en 2022 à 26,5 milliards. euros. Et c’est une estimation prudente. Le coût pourrait dépasser les 30 milliards en cas de réforme des retraites complémentaires.

Sachant que le système actuel – et ce malgré la réforme de 2023 – devrait afficher un déficit de 5,8 milliards d’euros en 2024 selon le rapport que le COR rendra public ce jeudi en raison de l’entrée en vigueur de la revalorisation des retraites de base et des retraites complémentaires. fin 2023 et le 1er janvier.

Le coût du programme de Marine Le Pen, candidate à l’élection présidentielle de 2022. – Institut Montaigne

Autre mesure très coûteuse : la mise en place d’un super prêt à taux zéro pouvant aller jusqu’à 100 000 euros pour encourager l’accession à la propriété. Un prêt que les ménages de moins de 35 ans ne pouvaient rembourser qu’à 40 % à partir du troisième enfant. Estimée en 2022 à 12,6 milliards d’euros par l’Institut Montaigne (en raison de l’augmentation rapide de la dette de l’Etat), cette mesure pourrait en réalité s’avérer bien plus coûteuse en raison de la forte hausse des taux depuis 2022.

Le programme contient également d’importantes mesures en faveur du pouvoir d’achat. Alors que les mesures de soutien du gouvernement actuel avec les différents boucliers et rabais ont été estimées à plus de 100 milliards d’euros sur trois, le RN a deux engagements particulièrement coûteux. Tout d’abord, l’exonération de cotisations patronales pour toute augmentation de salaire de 10 % jusqu’à trois fois le SMIC. Une mesure qui ne concernerait finalement que quelques entreprises souhaitant augmenter leur masse salariale brute de 10 %. Mais si 3 % des employeurs étaient intéressés, le coût de cette mesure est estimé à 10 milliards d’euros par an.

Autre mesure phare sur le pouvoir d’achat : la baisse de la TVA sur les carburants, l’électricité, le gaz et le fioul domestique de 20% à 5,5%. Pour les administrations publiques, la TVA sur les produits pétroliers, le gaz et l’électricité représente des recettes importantes, s’élevant à 14,5 milliards d’euros. Outre l’impact environnemental d’une telle mesure, qui encouragerait la consommation d’énergies fossiles, elle entraînerait un manque à gagner d’environ 10 milliards d’euros par an.

Une pluie de 120 milliards d’euros

A toutes ces mesures, il faut ajouter des exonérations d’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans (3,7 milliards d’euros par an), un gros prêt de 500 milliards d’euros pour les PME (7,5 milliards d’euros par an) ou encore la renationalisation des autoroutes (40 milliards d’euros en une fois).

Au final, une pluie de près de 120 milliards d’euros financés par quelques mesures d’économies sur les prestations sociales et la réduction des effectifs administratifs dans les hôpitaux (17 milliards d’euros d’économies au total selon l’Institut Montaigne). Ou encore une éventuelle réduction de 5 milliards d’euros de la contribution française au budget de l’UE, une décision à l’issue incertaine qui devrait être négociée avec les pays partenaires.

Ces mesures très coûteuses produiraient également des effets macroéconomiques (boucle keynésienne) mais n’empêcheraient pas, selon l’Institut Montaigne, un creusement des déficits d’ici 2027 (entre 5 et 7 %) et une flambée de la dette (entre 115 et 120 % du PIB). PIB). Sans compter une fois de plus l’augmentation des coûts d’emprunt supportés par l’État que de telles mesures provoqueraient sur les marchés (comme l’a vécu Liz Truss).

Reste à savoir si même en cas de majorité, un gouvernement de Rassemblement national appliquerait son programme à la lettre. Ce mardi sur RTL, le candidat Jordan Bardella n’a pas clairement affirmé que la très coûteuse réforme des retraites serait une priorité.

« La situation économique dont nous allons hériter est une situation compliquée. Nous devrons faire des choix, vous connaissez ma position, j’espère que tous ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans pourront repartir avec 40 rentes, mais maintenant il y aura être des priorités », a-t-il déclaré.

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