les résultats des élections européennes prédisent-ils ceux des législatives à venir ?

Le Rassemblement national est arrivé en tête aux élections européennes du 9 juin. Un signal qui ne se traduira pas forcément par une majorité absolue le 7 juillet.

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L'hémicycle de l'Assemblée nationale, photographié le 3 novembre 2023. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS / AFP)

Le succès du Rassemblement national, arrivé largement en tête lors des élections européennes du 9 juin avec 31.37% des voix, sera-t-il confirmé lors des élections législatives prévues dimanche 30 juin et 7 juillet ? Les cadres du parti d’extrême droite y croient plus que jamais, après la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée dimanche par Emmanuel Macron. Mais un succès aux élections européennes ne présage pas forcément d’un raz-de-marée aux législatives pour le parti de Marine Le Pen.

La première raison est organisationnelle : le mode de vote pour les deux élections n’est pas du tout le même. Alors que les élections européennes sont proportionnelles dans une circonscription unique – un parti qui recueille 20 % des voix au niveau national récupère plus ou moins 20 % des sièges – les élections législatives se déroulent au scrutin majoritaire à deux tours dans chacune des 577 circonscriptions. de France.

« C’est un mécanisme électoral totalement différent de celui européen. »

Daniel Boy, politologue

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Seuls les candidats ayant obtenu les suffrages d’au moins 12,5 % des électeurs inscrits concourent au second tour. Le premier objectif des partis politiques est donc de monter le plus haut possible pour passer la barre du premier tour dans le plus grand nombre de circonscriptions possible.

Ce mode de vote tend non seulement à favoriser les partis bien établis, mais il est aussi largement influencé par l’ancrage local des candidats. Parce que 577 élections se déroulent simultanément dans autant de circonscriptions. « Les logiques électorales sont différentes des européennes, et quand les députés ont un ancrage, ils résistent mieux, comme on l’a vu avec Les Républicains en 2022. (qui a conservé 64 sièges, après l’échec de Valérie Pécresse à l’élection présidentielle)« explique Mathieu Gallard, directeur de recherche chez Ipsos.

La question du front républicain, tradition qui impose aux perdants de soutenir le candidat face à l’extrême droite au second tour, pourrait aussi rebattre les cartes. « En 2022, ça s’est effondré quand on a eu des duels au second tour, qui ont permis l’élection de nombreux députés issus du Rassemblement national. Est-ce que ce sera toujours le cas ? demande Mathieu Gallard. En 2022, le camp présidentiel avait refusé d’appeler clairement au front républicain, notamment dans le cas où les candidats de La France Insoumise affrontaient le RN. Du côté de LFI, quasiment aucun candidat éliminé n’avait donné de consigne de vote en faveur de la majorité, a constaté Le monde.

Le résultat du vote reste pour l’instant flou, d’autant qu’aucun institut de sondage n’a eu le temps de réaliser une étude sur les intentions de vote. Le résultat des élections européennes permet cependant de dégager quelques tendances.

« Ce qui est sûr, c’est que le RN sera élevé. »

Daniel Boy, politologue

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Alors que le parti de Marine Le Pen avait obtenu 18,68 % des voix au premier tour en 2022, le spécialiste estime cette fois-ci « que cela pourrait être entre 19% et 30% ». En 2022, le RN avait obtenu 89 sièges, Nupes 131 et Renaissance 245.

Le résultat des élections européennes est le signe qu’en deux ans, le parti à la flamme s’est encore davantage ancré dans le paysage politique français. « On voit bien que le RN a fait des progrès significatifs par rapport aux législatives de 2022 et qu’en même temps Emmanuel Macron s’effondre », ajoute Mathieu Gallard. Le parti est en tête dans toutes les catégories socioprofessionnelles et d’âge, selon une enquête Ipsos pour France Télévisions. « Il est très difficile d’imaginer qu’ils auront moins d’élus que la dernière fois »ajoute l’expert.

De la guerre éclair qui se déroulera au cours des trois prochaines semaines dépendra l’issue des élections législatives. Alors que le parti de Marine Le Pen se prépare depuis des mois, la gauche est actuellement divisée et le camp présidentiel a été surpris par la décision d’Emmanuel Macron. La question des alliances sera cruciale, notamment à gauche. « Y aura-t-il un, deux ou trois candidats de gauche dans chaque circonscription ? » demande Daniel Boy. En 2022, l’alliance Nupes a permis aux partis de gauche de mieux résister que prévu lors des élections législatives. Lundi soir, ce dernier a annoncé un « Front populaire » et je veux présenter « demandes uniques » dans toutes les circonscriptions.

La dernière variable qui pourrait influencer le résultat concerne l’abstention. En 2022, 52,49% des électeurs se sont abstenus au premier tour des élections législatives et 53,77% au second, contre 48,51% lors du scrutin européen. « On peut imaginer que la participation va augmenter de manière significative, car pour la première fois depuis 1997, nous ne sommes pas après l’élection présidentielle. Il ne s’agit donc pas seulement d’une élection de confirmation. »souligne Mathieu Gallard.

« Les enquêtes réalisées par le Cevipof nous montrent que les électeurs considèrent les élections législatives comme plus importantes que les élections européennes. »

Daniel Boy, politologue

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Pour quel résultat ? Cela dépendra des niveaux de mobilisation des différents électorats. « Pour certains électeurs, l’arrivée potentielle de l’extrême droite au pouvoir a un effet fortement mobilisateur », souligne Mathieu Gallard. De son côté, le directeur général adjoint d’Ipsos, Brice Teinturier, a estimé sur France 2 que la confirmation du vote RN serait « ce qui est le plus probable ». Matthieu Gallardqui note un moment de « Confusion politique »estimer que « le vote risque de ne pas aboutir à un résultat très clair ». Et donc de livrer une Assemblée nationale fragmentée et sans majorité.